Périple n Avant de quitter, hier soir, Amman au terme d'une tournée de trois jours qui l'a conduit d'Arabie saoudite en Jordanie, en passant par le Qatar, le président russe ne cachait pas sa satisfaction. S'efforçant de réimposer la Russie sur la scène internationale après une longue éclipse dans la foulée de la disparition de l'URSS, Poutine avait également à cœur de s'afficher aux côtés de leaders de pays autres que la Syrie ou l'Iran, ses alliés traditionnels, honnis par Washington. Il veut, en effet, démontrer qu'une alternative à l'influence de Washington était possible. «Nos relations avec les pays arabes ont radicalement changé en quelques années. Nous travaillons au renforcement et à l'élargissement de nos contacts», a déclaré le président russe à l'issue d'entretiens avec le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas. Si la Russie n'a pas signé d'accords majeurs, elle a néanmoins proposé à Riyad de coopérer dans le domaine nucléaire et à Doha de «coordonner» ses productions gazières, deux domaines où la Russie est revenue en force. Russes et Jordaniens ont signé un accord de 25 millions de dollars pour l'achat par Amman de six hélicoptères Ka-226, mais Vladimir Poutine avait surtout à cœur, en tant que dirigeant d'un pays du Quartette sur le Proche-Orient (avec les Etats-Unis, l'Union européenne et l'ONU), de jouer sa partition en rencontrant le roi Abdallah II de Jordanie et le leader palestinien Mahmoud Abbas avant la venue, dans la région, de la secrétaire d'Etat américaine, Condoleezza Rice. Mais de Munich à Amman, c'est l'écho de son réquisitoire contre l'«unilatéralisme» des Etats-Unis au Proche-Orient qui a marqué sa visite. Après avoir accusé samedi à Munich les Etats-Unis de «déborder de leurs frontières nationales dans tous les domaines» et de créer une situation telle que «personne ne se sent plus en sécurité» dans le monde, il a enfoncé le clou et accusé Washington d'agiter «la menace» russe pour obtenir des fonds du Congrès pour mener ses guerres en Irak, en Afghanistan et pour construire un bouclier antimissile en Europe. «Cela fait plus de dix ans que nous entendons ce que disent nos partenaires dans tous les domaines. Nous sommes très patients et tolérants, mais nous avons le sentiment de ne pas être compris», a-t-il déclaré avant de s'en prendre à l'administration américaine. «Ce ne sont pas nos problèmes, ils ne sont pas liés à la Russie», a ajouté M. Poutine, accusant Washington d'utiliser un discours «antirusse pour régler (ses) problèmes (de politique) internes». En rappelant abondamment que d'autres voix dans le monde, «certes parfois de manière grossière», faisaient le même plaidoyer, le président russe cherchait à se poser en porte-parole d'un monde multipolaire où la Russie jouerait un rôle de premier plan. Sur le fond, les critiques de Vladimir Poutine ne sont pas nouvelles, mais elles interviennent dans des pays qui ont vu leurs relations avec Washington (l'Arabie saoudite notamment) se détériorer.