Désolation Les habitants assistent impuissants au déclin de leur ville. C?est avec beaucoup de nostalgie et le c?ur plein d?amertume que les Sétifiens observent impuissants et déphasés la triste mue de la ville de Aïn Fouara transformée en gros bourg où les maîtres mots sont indissociables de transactions commerciales où l?unique credo est la réussite sociale ostentatoire et agressive, à coups de transactions commerciales générant le gain rapide. «Autrefois, petite ville banale étirée le long de la rue principale, une petite ville de province avec ses histoires de quartiers, ses terrasses de café au soleil, ses arcades ombragées, pas de quoi retenir un tourisme en mal d?exotisme, pas une ville frimeuse, somptueuse et tapageuse. Juste une petite ville travailleuse tranquillement lovée au milieu des plus somptueuses plaines à blé de l?Afrique du Nord. Une petite ville agricole bruissante du bêlement des moutons traînés en troupeau sur la place du marché. Une ville de commerce sérieuse et plutôt secrète». (Denise Morel - Sétif de mon enfance). Aujourd?hui, Sétif-ville séculaire victime de la géostratégie subit le revers de la médaille et paye chèrement son statut de carrefour incontournable et de pôle économique. Sétif, ville ouverte dans tous les sens et sans jeu de mots aucun, subit comme une bête à l?agonie qui souhaite une mise à mort salvatrice qui la fera paradoxalement espérer des jours meilleurs avec un fatalisme presque de bon aloi et se complaisant dans une mal vie programmée. Jamais le dicton: «Les apparences sont souvent trompeuses» n?a été aussi pertinent et a collé à la peau de la ville. Le visiteur d?un jour ou de quelques heures qui y fait une virée est subjugué, voire envoûté, par un charme de façade qui voile le vrai visage de Sétif pourtant miné et gangrené par de multiples maux. Les cités dortoirs sont dénommées froidement et impersonnellement 750, 600, 1014, 1000, 300, 800, 200, 400, 1 006, etc. logements. Les êtres qui s?y entassent sont de simples quotas. Les lotissements et autres coopératives ont poussé comme des champignons, les centres commerciaux fleurissent à la place des rares cinémas existants. Les librairies sont devenues des fast-foods, les vides sanitaires sont transformés en salons de coiffure et pizzerias, les trottoirs squattés et détournés de leur véritable vocation. A ce désastre urbanistique et social s?ajoutent de nouvelles m?urs et de nouveaux comportements dus à la «rurbanisation» conjuguée à la passivité et la complaisance des responsables concernés. En déambulant et en levant la tête, on pourrait voir la ville sous ses traits lucratifs à travers la floraison de panneaux indicateurs vantant tel ou tel créneau d?activité, allant jusqu?à gangrener des professions aussi nobles et sacralisées que la médecine et le barreau. Qu?importe ! Vous en verrez de toutes les dimensions, de toutes les formes et de toutes les couleurs. De vulgaires fléches sur des panneaux de plusieurs mètres carrés ! Sur les arbres, les murs, les poteaux d?éclairage, les balcons, les rambardes allant jusqu?à bousculer les plaques officielles de signalisation. A travers tout ce fatras de dénominations anarchiques et contre nature, le tôlier, l?avocat, le mécanicien, le casse-croûte à toute heure, le dentiste, le taxiphone multiservice, le gynécologue, le magasin de pièces détachées, le neurologue, la pizzeria, le cybercafé, etc., font bon ménage et semblent se liguer contre le bon sens et où tout sémiologue perdrait son alphabet. La capitale des Hauts-Plateaux attend toujours une main salvatrice pour la dépoussiérer, ordonner le désordre impeccable et lui octroyer la place qui lui sied.