Si le spectre des couleurs est une réalité physique, c'est-à-dire indépendante des cultures humaines, sa perception, son découpage peuvent différer d'une langue et d'une culture à une autre. De nombreuses études en linguistique et en ethnologie ont montré à quel point le vocabulaire des couleurs illustre la différence de perception d'une même réalité physique, entre les langues. Ainsi, le linguiste danois L. Hjelmslev a montré, dans sa comparaison entre le danois et le gallois, que la première langue oppose quatre termes là où la seconde ne met en rapport que trois. Le danois oppose, comme en français gron (vert), blaa (bleu), graa (gris) et brun (brun), là où le gallois n'a que gwyrdd (vert), glas (en partie vert, en partie gris, mais surtout bleu) et llwyd (gris et brun du danois et du français). On sait qu'en berbère et en arabe dialectal, un même mot confond souvent «vert» et «bleu», azegzaw en berbère et zraq en arabe. Les deux langues ont des dénominations pour le vert (adal en berbère et khdar en arabe), mais des expressions viennent rappeler qu'à l'origine les deux notions étaient confondues. Ainsi, en kabyle, tizegzewt, de azegzaw, signifie aussi «verdure». Les usages qui sont faits des mots de couleur diffèrent également d'une langue à une autre, en fonction de l'intérêt et surtout des significations et des symboles associés aux mots. Pour ce qui est des symboles, si on retrouve des associations identiques d'une culture à une autre (exemple le blanc, symbole de candeur), beaucoup de symboles sont rattachés aux cultures, voire aux époques qui les ont produits. Ainsi, si le vert a, de tout temps, été un symbole positif en pays d'Islam, il a été longtemps, dans la chrétienté, un symbole infernal, parce que, justement, associé à l'Islam.