Eloignement n «Les choses ne sont plus comme avant, les gens vont moins les uns chez les autres. Des groupes séparés apparaissent même à l'école et à l'université», note le politologue Sameh Faouzi. A en croire ce politologue, les 6 à 10% de coptes que compte l'Egypte vivent de plus en plus isolés. "Si vous demandez aujourd'hui aux musulmans ce qu'ils pensent des chrétiens, vous entendrez beaucoup d'histoires, comme celle selon laquelle ils viendraient d'une autre planète. Ils ne se rendent pas compte qu'ils vivent ensemble depuis des centaines d'années", ajoute M. Faouzi. Il est difficile d'avoir des chiffres sur les violences intercommunautaires. Mais, "il y a eu une nette augmentation des violences entre musulmans et chrétiens au cours du premier semestre de cette année", affirme Hossam Bahgat, de l'Initiative égyptienne pour les droits individuels. "On parle de conversions forcées, de filles qui auraient été enlevées par des chrétiens ou des musulmans", poursuit-il. "Tout cela est à l'origine de violences intercommunautaires". Sur l'internet, le ton monte. Des activistes chrétiens ont créé une Association des chrétiens du Moyen-Orient à l'acronyme provocateur en anglais (Meca). Deux de ses membres ont été arrêtés en juillet pour "insulte à l'islam". "Ils brûlent nos églises, tuent nos hommes, violent nos femmes. Nous ne renoncerons ni ne nous séparerons tant que nous serons en vie, tant qu'ils ne nous auront pas tous tués", a déclaré sur internet après ces interpellations Nader Faouzy, dirigeant en exil du Meca. Pour l'intellectuel musulman Gamal al-Banna, une des raisons de cette montée des tensions est à chercher dans l'intransigeance des élites chrétiennes et musulmanes. "Dans un pays de 70 millions d'habitants, il n'est pas étonnant de trouver quelques fanatiques", souligne celui dont le frère Hassan avait fondé dans les années 1920 les "Frères musulmans" (opposition fondamentaliste). "Les fanatiques chrétiens sont de plus en plus nombreux." A l'en croire, Al-Azhar, plus haute autorité sunnite d'Egypte, conserve une approche "médiévale" du phénomène des conversions: "Les convertis doivent abjurer ou mourir." "Mais le fanatisme est plus complexe dans la chrétienté que dans l'islam car l'Eglise peut parler au nom de Dieu", estime-t-il. "Tout le monde peut dire au (Cheikh d'Al-Azhar Mohammed Sayyed) Tantaoui qu'il a tort. Personne ne peut dire la même chose au (pope copte) Shenouda III, au risque d'être excommunié." Si la tension est perceptible, c'est aussi, selon Bahgat, parce que les chrétiens parlent davantage des injustices dont ils sont victimes, et que les intellectuels musulmans sont plus disposés à évoquer le problème. Un tel débat aurait selon lui été "inimaginable il y a cinq ans".