Résumé de la 18e partie n Le «Dei Gratias» conduit le «Mary Cellars», découvert vide de ses passagers, à Gibraltar. Le capitaine Morehouse compte bien toucher, pour cela, la prime de sauvetage. Les deux bateaux naviguent côte à côte, mais à l'entrée du détroit de Gibraltar, un brusque coup de vent les sépare. Le «Dei Gratias» amarre à Gibraltar le 12 décembre 1872, au soir, et le «Mary Cellars» n'arrive que le lendemain, au petit matin. Gibraltar, un haut rocher calcaire, rattaché à l'Espagne par une étroite plaine sablonneuse, est depuis 1704, date de son occupation par l'amiral George Rooke, territoire anglais. Morehouse, sûr de son bon droit, se présente aux autorités britanniques pour leur remettre le bateau et, en même temps, pour exiger la prime de sauvetage à laquelle il a droit, selon le règlement international : la moitié de la valeur de la cargaison et la moitié de la prime d'assurance ! Mais c'est compter sans le procureur Flood que les autorités ont chargé de l'affaire. — Nous ne vous verserons votre prime qu'après avoir déterminé les conditions exactes de la disparition de l'équipage du «Mary Cellars». A 71 ans, le procureur, bardé de titres, est un homme d'une sévérité extrême. Ainsi, de prime abord, il refuse, comme l'espérait Morehouse, de lever l'embargo sur le «Mary Cellars», ce qui lui aurait tout de suite permis de toucher la prime de sauvetage. De plus, le commandant du «Dei Gratias» et son second ont l'ordre de rester sur place, avec tout l'équipage, tout au long de l'enquête. Le 17 décembre, soit cinq jours après l'arrivée des deux bateaux, la Cour de la vice-amirauté britannique de Gibraltar se réunit. Flood préside la réunion et il soumet les hommes du «Dei Gratias» à un interrogatoire serré, comme s'il les soupçonnait de quelque chose. — Vous avez été le premier à monter sur le «Mary Cellars», dit Flood. — C'est exact, dit Deveau, et j'ai tout de suite senti qu'il se passait quelque chose d'étrange sur ce bateau : tout était en place et il n'y avait pas âme qui vive à bord ! Et il décrit minutieusement tout ce qu'il avait vu, en compagnie de ses hommes. Quand il eut fini, le procureur lui demande : — Et que pensez-vous de tout cela ? — Le bateau a dû souffrir de la tempête qui avait soufflé sur l'Atlantique, au début du mois, puisqu'il a reçu de l'eau, mais je pense que la quantité d'eau, un mètre environ, n'était pas de nature à mettre les passagers en danger ! D'ailleurs, les pompes, à l'exception d'une, sont en bon état et on pouvait les utiliser pour évacuer le trop-plein d'eau ! — Votre conclusion. — Le capitaine du bateau s'est affolé, à tort, à mon avis, et il a donné l'ordre d'évacuation, de peur de faire naufrage ! Les hommes de Deveau sont interrogés à leur tour. Ils donnent d'autres détails que leur supérieur, mais dans l'ensemble, les témoignages concordent. — Que pensez-vous de tout cela ? demande à chacun d'eux le procureur — Le capitaine et ses matelots ont pris peur, ils ont évacué le bateau et ils ont dû se noyer ! il n'y a pas d'autre explication ! (à suivre...)