Il y avait une fois un père de famille qui était un grand bandit. Il suivit le sort de chaque homme et mourut un jour. Sa veuve éleva donc seule leur fils : Fathi. C'était une femme intelligente qui avait, certes, connu le genre d'activité de son mari, mais qui veilla soigneusement à ce que le jeune garçon reçoive une éducation et des connaissances convenables. Elle restait muette devant les questions de son enfant sur la vie de son père. Pourtant lorsque ce fils unique atteignit dix-sept ans, elle fut dans l'obligation de lui dire la vérité. Le jeune homme demanda : «Mère, je voudrais que tu me donnes les outils de mon père. — Ses outils ? Une corde et deux crochets... — Que faisait donc mon père ? — Je te l'avoue : c'était le plus grand voleur du pays.» Et la femme sortit du fond d'un bahut ces instruments. Le jeune homme les contempla, se retira pour méditer et essayer de reconstituer l'usage que l'on pouvait faire de cette corde et de ces deux crochets. Finalement, la nuit passée sur sa réflexion, il dit à sa mère : «Donc, je serai voleur comme mon père. Quels conseils peux-tu me donner ? — Condition première et essentielle : choisir des camarades très sûrs et très discrets. Ton père avait des hommes qui lui étaient dévoués à la vie à la mort et qui savaient garder un secret. Il était leur chef. J'espère que tu sauras aussi être un chef» Le jeune homme sortit donc dans la ville, fréquenta les cafés, s'assit auprès des uns et des autres, noua des conversations avec les gens, les observa. Finalement, il détecta quelques jeunes garçons qui lui parurent sympathiques. Lorsqu'il arrivait à être en confiance avec l'un ou l'autre d'entre eux, il le questionnait en particulier : «Qu'est-ce que tu fais ? — Moi, je suis voleur. Et toi ? — Moi, je veux le devenir. Qu'est-ce que tu voles ?» Et les garçons avouaient alors quelques petits larcins : des poules, une pièce d'étoffe, une paire de babouches, une couverture. Il en sélectionna trois qui lui parurent intelligents, secrets et courageux, les réunit et leur dit : «Mes amis, vous compromettez votre liberté pour des choses qui n'en valent pas la peine. Il est ridicule d'aller voler des objets insignifiants que le moindre travail normal pourrait vous permettre d'acquérir. Moi, je pense que si nous organisons une affaire ensemble, il faudra qu'elle ait sa pleine signification. On ne peut prendre l'or que là où il se trouve. Et il n'y a d'or en quantité appréciable que dans le trésor du Roi». Les garçons objectèrent qu'en cas d'échec, ils perdraient leur vie. Fathi les rassura et leur dit que s'ils l'acceptaient comme chef, leur rôle serait sans danger et qu'il se chargerait de tous les périls. Le pacte fut conclu. Fathi alla donc faire une reconnaissance préliminaire dans les alentours du palais royal. Il bavarda avec le gardien principal, près du portail d'entrée. Au tournant de la conversation, il se fit indiquer les fonctions des principaux bâtiments. Isolée et bien gardée, se trouvait, au milieu du parc, la maisonnette du «trésor du Roi», le «beit-el-mal». (à suivre...)