Le vrai rossignol fut banni du pays et du royaume. L?oiseau mécanique eut sa place sur un coussin, tout près du lit du roi, et tous les cadeaux que ce dernier reçut, or et pierres précieuses, furent posés tout autour. L?oiseau fut élevé au titre de «Suprême rossignol chanteur impérial» et devint le numéro un à la gauche du roi. Celui-ci considérait que le côté gauche, celui du c?ur, était le plus distingué, et qu?un roi avait, lui aussi, son c?ur à gauche. Le maestro rédigea une ?uvre en vingt-cinq volumes sur l?oiseau. C?était très savant, long et rempli de mots parmi les plus difficiles ; et chacun prétendait l?avoir lu et compris, craignant de se faire prendre pour un idiot et de se faire piétiner le corps. Une année entière passa. Le roi, la cour et tous les sujets connaissaient par c?ur chacun des petits airs chantés par l?automate. Mais ce qui leur plaisait le plus, c?est qu?ils pouvaient maintenant eux-mêmes chanter avec lui, et c?est ce qu?ils faisaient. Les gens de la rue chantaient : «Ziziiz ! Kluckkluckkluck !», et le roi aussi. Oui, c?était vraiment magnifique ! Mais un soir, alors que l?oiseau mécanique chantait de son mieux et que le roi, étendu sur son lit, l?écoutait, on entendit un «cric» venant de l?intérieur ; puis, quelque chose sauta, «crac» ! Les rouages s?emballèrent puis la musique s?arrêta. Le roi sauta, immédiatement, hors du lit et fit appeler son médecin. mais que pouvait-il bien y faire ? Alors on amena l?horloger, et après beaucoup de discussions et de vérifications, il réussit à remettre l?oiseau en un certain état de marche. Mais il dit que l?oiseau devait être ménagé, car les chevilles étaient usées et qu?il était impossible d?en remettre de nouvelles. Quelle tristesse ! A partir de là, on ne put faire chanter l?automate qu?une fois l?an, ce qui était déjà trop. Mais le maestro fit un petit discours tout plein de mots difficiles, disant que ce serait aussi bien qu?avant ; et ce fut aussi bien qu?avant. Puis cinq années passèrent, et une grande tristesse s?abattit sur tout le pays. Le roi, qui occupait une grande place dans le c?ur de tous, était maintenant malade et devait bientôt mourir. Déjà, un nouveau roi avait été choisi, et le peuple, qui était dans la rue, demandait au chancelier comment se portait son vieux souverain. «P !», disait-il en secouant la tête. (à suivre...)