Réveil n Ces dernières années, les Algériens consultent de plus en plus les psychologues dans l'objectif d'alléger leurs souffrances internes. L'idée d'aller voir un psy est sortie du registre des tabous et les consultations se font au vu et au su de «tout le monde». Une tournée dans des cabinets de psychologues à Alger renseigne sur cette mutation. Des citoyennes et citoyens de tous âges viennent, soit pour prendre rendez-vous ou bien pour une consultation déjà programmée. La plupart des gens qui consultent les psychologues sont constitués de femmes qui ont souffert notamment de la violence conjugale ou durant la décennie noire.» La plupart des femmes que vous voyez ici ont des problèmes familiaux. Elles sont battues, humiliées et parfois jetées à la rue. Il y a aussi celles qui gardent toujours les séquelles de la violence terroriste : des femmes ayant perdu leurs époux ou leurs enfants durant la décennie noire», nous indique une secrétaire dans un cabinet de psychologue à El-Biar. «S'il n'y avait pas eu la psy qui m'a aidée à retrouver mes repères, je serais devenue folle. Ce ne sont que ces derniers mois que je commence à reprendre le goût de vivre», témoigne une quinquagénaire rencontrée dans un autre cabinet de psychologue à Dely Ibrahim. Même les jeunes filles font partie de ces patientes. A chacune son histoire, la raison de son désarroi interne. Déceptions affectives, problèmes familiaux, chômage, absence d'horizon constituent les principaux éléments perturbateurs. Elles trouvent chez les psychologues une oreille attentive à leurs cris et commencent à renouer le contact avec la partie souffrante «le moi». «Je reconnais que la psychologue a fait des efforts énormes pour me sortir d'une spirale de tensions et d'angoisse. Aujourd'hui, je commence à me sentir mieux dans ma peau. J'ai failli perdre la raison à cause d'une relation décevante et une perte d'emploi, survenus presque simultanément», témoigne Lynda, 33 ans. La gent masculine consulte moins que la féminine mais ceci ne signifie pas qu'elle souffre moins. Les femmes dépassent peut-être plus rapidement les tabous que les hommes. Les jeunes, face aux multiples problèmes, perdent leur équilibre psychique, ce qui les pousse, d'ailleurs, à des comportements suicidaires tels que l'émigration clandestine, la toxicomanie, l'abus d'alcool et de consommation de psychotropes. Le chômage reste la première préoccupation et, par ricochet, la principale cause de déséquilibre psychique. L'histoire de Mourad, ce jeune de 34 ans rencontré dans un cabinet de psychologue à Alger-Centre, résume le calvaire de toute une génération. Il était brillant dans ses études, mais il n'a pas trouvé d'emploi. «J'ai frappé à toutes les portes, j'ai participé à plusieurs concours de recrutement, sans résultat. J'ai été contraint d'exercer dans le commerce informel pour garantir ma survie, en attendant, bien évidemment, une éventuelle opportunité. Rien. A 31 ans, je commençais à désespérer. J'ai tenté un harga où j'ai perdu tout mon argent, mais c'était un échec. Je suis devenu anxieux, tout le temps stressé… Je suis même devenu un consommateur de drogue…», témoigne-t-il. De sérieuses stratégies de lutte doivent donc être envisagées afin de réduire la proportion de ces maux psychiques. Ne dit-on pas que pour guérir le mal, il faut l'extirper à la racine ?