Une équipe d'archéologues et d'architectes va rendre à un large public, par des travaux d'aménagement, un monument presque oublié du centre d'Alexandrie, la citerne El-Nabih, impressionnante cathédrale souterraine qui servait jadis à stocker l'eau du Nil. «Les savants qui accompagnaient Bonaparte avaient recensé plus de 400 de ces citernes à Alexandrie», explique Jean-Yves Empereur, chercheur au Cnrs et qui mène depuis une quinzaine d'années, à la tête du Centre d'études alexandrines (CEA), des fouilles de sauvetage dans le grand port égyptien de la Méditerranée. De l'extérieur, le lieu n'a rien de spectaculaire. Un jardinet, une porte, un escalier qui s'enfonce dans le sol. Mais soudain, par une petite ouverture apparaissent trois étages d'élégantes colonnades, chapiteaux, arcs et travées. Au IXe siècle après J.-C., les bâtisseurs de ce monument «ont réutilisé des éléments architecturaux de monuments antiques, des colonnes de granit, des bases, des chapiteaux», ajoute Jean-Yves Empereur. «La citerne a été restaurée vers 1950, mais elle n'est guère visitée», ajoute-t-il. De l'Antiquité à la fin du XIXe siècle, les Alexandrins stockaient dans ces centaines de citernes l'eau qu'un canal amenait depuis le Nil, à une trentaine de kilomètres à l'est d'Alexandrie. «Au moment de la crue, en août-septembre, les citernes étaient remplies et l'on vivait sur ces réserves pendant tout le reste de l'année», explique le chercheur français. Ces citernes étaient l'un des principaux buts de visite des voyageurs des siècles passés, mais elles ont ensuite été peu à peu oubliées. En collaboration avec le Service archéologique égyptien, le CEA a décidé de lancer d'importants travaux d'aménagement de la citerne El-Nabih, avec l'aide financière de la société Gaz de France (GDF). Ce partenariat est en quelque sorte le volet culturel d'un important contrat entre GDF et l'Egypte, qui fait du pays des Pharaons le second fournisseur de gaz naturel de la France, en plus de la construction d'un complexe de liquéfaction du gaz et d'un port méthanier à l'est d'Alexandrie, a expliqué M. Empereur. Au Centre d'études alexandrines, deux architectes, Laurent Borel et Chrystelle March, mettent la dernière main au projet d'aménagement de la citerne. Les visiteurs découvriront les différents étages sur des passerelles, remonteront dans un musée qui présentera des maquettes de plusieurs autres réservoirs et expliquera «comment les Alexandrins captaient, stockaient et distribuaient l'eau durant les 2 300 ans d'histoire de leur cité», ont-ils expliqué. Les enfants pourront poursuivre le parcours par un «laboratoire» où des moniteurs leur apprendront à façonner des maquettes de citernes et leur expliqueront l'importance de l'eau sur notre planète. Le projet fait partie des initiatives engagées depuis plusieurs années en faveur d'Alexandrie, «l'autre capitale» de l'Egypte, dont la plus spectaculaire a été, en octobre 2002, l'inauguration de la Bibliothèque d'Alexandrie, qui succède à l'antique bibliothèque, disparue il y a près de 16 siècles dans un incendie.