Combat n «Je ferai tout pour porter mon enfant sur mon livret de famille. Je refuse la mention ‘'X''.» Cette résolution est de Mme Nadira Guessoum, vice-présidente de l'association Aaefab et porte-parole des familles adoptives, chargée des relations avec les parents. Elle est elle-même mère adoptive d'un enfant de sept ans. Elle se désole du comportement de certains agents d'état civil dans les mairies qui continuent à qualifier les enfants adoptés d'«enfants nés sous X». S'il y a un moment que Mme Guessoum, au même titre d'ailleurs que tous les parents adoptifs, appréhende plus que tout autre chose, c'est bien le jour de la rentrée scolaire. A l'école, en effet, l'enfant risque de découvrir la triste vérité sans y être préparé au préalable. «Nous sommes obligés de dire la vérité à nos enfants avant qu'ils ne l'apprennent d'ailleurs», affirme notre interlocutrice. Parmi les propositions qu'elle émet pour mettre fin aux difficultés des familles et des enfants, l'élaboration de nouveaux carnets de famille adaptés à la kafala pour que l'enfant recueilli par cette voie légale soit porté sur le carnet de sa famille d'adoption avec une mention marginale comportant notamment la date du jugement ou de l'acte notarié en vertu duquel la kafala a été établie. «Des actions sont déjà engagées par l'association dans ce cadre avec les différentes institutions concernées, notamment les ministères de l'Intérieur, de la Justice et de la Solidarité nationale.» Les revendications de Mme Guessoum sont plutôt réalistes, et elle pense d'abord à l'intérêt de son enfant avant toute chose. «Je ne veux pas d'adoption plénière, ni de filiation. Je veux seulement la mention makfoul sur le livret de famille, car je ne veux pas mentir à mon enfant mais plutôt le protéger», indique-t-elle. Son souci est d'assurer une intégration harmonieuse de l'enfant dans sa nouvelle famille d'accueil et pour lui permettre d'affronter plus tard les institutions telles que l'école, la mairie… Mme Guessoum estime, par ailleurs, que l'acte de la kafala «ne doit pas être révocable jusqu'à l'âge de 18 ans». Elle se désolera, au passage, de l'absence d'orientation au profit des parents adoptifs et demande à ce que les psychologues les aident. Elle motive cette suggestion par le fait que «beaucoup d'adoptions ont été ratées à cause de la mauvaise orientation et de conseils non basés». Interrogé sur le moment le plus indiqué pour dire la vérité à l'enfant, la brave dame nous dira qu'elle a appris des expériences d'autres parents, qu'elle a rencontrés lors des «kafalas café» (voir encadré), qu'il faut éveiller l'enfant dès qu'il atteint l'âge de la curiosité. Cela est de nature à permettre aux parents d'avoir «la conscience tranquille». Evoquant sa propre expérience, elle raconte : «Je lui ai répondu en utilisant des phrases courtes et simples lorsqu'il m'a demandé s'il était venu de mon ventre. Il faut donc s'attendre à ce moment-là et bien s'y préparer, car on ne sait pas à quel moment il posera la question ni à qui il s'adressera.» Pour sa part, la directrice de la pouponnière Amel de Palm-Beach (Staouéli), chapeautée par l'Aaefab, affirme qu'elle refuse catégoriquement que les enfants abandonnés soient appelés «enfants nés sous ‘'X''». «Il est inconcevable de désigner un enfant par la lettre ‘'X''. Il est avant tout un être humain», s'indigne-t-elle.