Blida prise entre les monts de Chréa et les hauteurs du Sahel, étouffe. Comme elle grelotte en hiver ! Cependant, une vingtaine de minutes suffisent pour respirer. Sur l'axe Blida-Médéa, à quelques kilomètres de la grande intersection Sud-Ouest, commencent les gorges de la Chiffa. Le Ruisseau des singes impose une halte à tous les passagers, à tous les démunis de la région qui vont respirer gratuitement un air pur. Paysage féerique de ces flancs de montagne où les singes magots prolifèrent sous la protection des textes du Parc national de Chréa ! Des centaines de voitures, dans les deux sens, marquent un arrêt, à la grande joie d'enfants qui semblent retrouver la nature, fuyant le béton imposé par les nombreuses cités d'habitation. Relief accidenté, caches nombreuses, cascades rares, mais agréables à observer, senteurs multiples. «Je viens chaque semaine et je suis heureuse de voir mes enfants heureux !», s'exclame une femme, la cinquantaine bien portée. Au détour d'un virage, une image triste : celle d'inconscients procédant au lavage de leurs voitures et appréhendant la venue des gendarmes. Ceux-ci verbalisent à tout va ceux qui usent de produits assassins pour la flore et polluant l'eau et les arbres qui s'en alimentent. Des jeunes s'adonnent au commerce de cacahuètes, de fruits divers, de chocolats et de gâteaux que les «touristes» proposent aux singes, mais cela porte atteinte à l'esprit naturel de la sauvegarde des espèces. «Rester plus d'une heure fait oublier les tracas et on en arrive même à oublier qu'on vit ailleurs», assure un cadre d'une entreprise qui revient chaque été à cet endroit, accompagné – encore – de sa mère. «Je contemple le paysage et je ne touche à rien !», dira-t-il comme pour lancer un défi. Oublier la pollution urbaine, bannir de la pensée les bruits de la ville : c'est ce qu'offre cette région non encore touchée par la politique de la rentabilité. Possédée par ce nombre incalculable de familles chaque week-end, la végétation, encore à l'état sauvage, se renouvelle à chaque saison. Des 38° à l'ombre dans la crevasse de Blida, on retrouve aisément les 20° en contrebas de la route, dans l'oued Chiffa et si on s'enfonce davantage, les degrés diminuent et c'est toute la signification de l'expression «saison estivale» qui s'estompe. Finis les termes «chaleur», «suffocation» et viennent à l'esprit «douceur et caresses». On emmagasine le maximum d'air frais, des images de familles entières de singes magots, des nuances de la couleur verte et on redescend frais et dispos pour une autre semaine de travail ou… de farniente.