Résumé de la 3e partie n Mellon acquiert – jusqu'à s'endetter – de nombreuses pièces de chez Duveen. Il écrit alors au président Roosevelt pour lui proposer la construction d'un musée... Il propose : «Il faudrait, pour que le musée soit digne des tableaux qu'il va abriter, le construire en marbre...» — Mais ce serait beaucoup trop cher !», réplique Mellon. Duveen organise sur-le-champ une promenade en voiture dans Washington et passe tout le temps de ce circuit à dénigrer les bâtiments de pierre construits avec l'aval de Mellon : «Regardez ces façades grises et déjà lépreuses ! Si elles étaient de marbre...» Mellon ne dit rien, mais en sortant de la voiture il déclare : «Merci pour la promenade. Jamais un tour en auto ne m'aura coûté aussi cher !» Une fois l'accord de Mellon obtenu quant à l'emploi du marbre, celui-ci insiste pour qu'on utilise du marbre du Tennessee, qui a l'immense avantage de ne pas «avoir l'air» d'être du marbre. Discrétion avant tout, selon sa philosophie... Il faut donc rouvrir les carrières de ce fameux marbre du Tennessee, dont on avait abandonné l'exploitation depuis belle lurette. On n'est pas encore au bout des surprises... Quand les premiers blocs arrivent à Washington, on s'aperçoit qu'il y a d'énormes disparités de couleur. Ils sont de toutes les nuances imaginables dans la gamme des rouges rosés. On procède à un premier essai d'assemblage, et le résultat est catastrophique : on dirait un patchwork, une sorte de fromage de tête géant... «Il ne reste qu'une seule chose à faire : construire les murs en plaçant les blocs les plus foncés en bas, et s'arranger pour que les teintes fassent un dégradé au fur et à mesure qu'on monte...» Ce qui implique de prévoir la place de chaque bloc avant même qu'il arrive à Washington. Un certain nombre de millions de dollars s'ajoutent à la facture, mais rien n'est trop beau pour abriter les tableaux «Mellon» payés aux «prix Duveen»... On interroge celui-ci : «Mais pourquoi avoir provoqué cette dépense supplémentaire ? Avec cet argent, Mellon aurait pu vous acheter d'autres œuvres... — Et que croyez-vous ? J'ai d'autres clients qu'Andrew Mellon. Eux aussi sont susceptibles de m'acheter des chefs-d'œuvre pour les offrir au musée. Ils seront d'autant plus enclins à le faire que la nouvelle Galerie de Washington sera plus belle. D'où la nécessité du marbre.» Il a raison car, après les cent onze toiles et les vingt et une sculptures offertes primitivement par Andrew Mellon, la collection de la National Gallery of Art de Washington a dépassé les trente mille œuvres. Le musée est inauguré par Franklin D. Roosevelt le 17 mars 1941. Mais le plus drôle c'est que, une fois le musée construit, les différentes teintes constatées sur le marbre s'estompèrent, jusqu'à disparaître complètement. Tous les blocs avaient pris la même couleur...