Au moment où des réformes sont expérimentées, décortiquées, louées ou critiquées, au moment où des milliards sont officiellement affectés au secteur de l'éducation, des petits Algériens peinent à suivre leur scolarité faute du minimum, à savoir tout simplement une chaise où s'asseoir, des portes aux toilettes ou encore des classes où l'eau de pluie ne pénètre pas. «On n'a pas suffisamment de chaises, on s'assoit sur les tables, la moitié de la classe est assise et l'autre suit les cours debout. Si on a de la chance bien sûr, on a une place sur la table, il y a certains enseignants qui tolèrent ça, mais d'autres non, ils nous font sortir. Les eaux de pluie également pénètrent dans les classes de cours, les toilettes sont sales et celles qui sont réservés aux garçons sont fermées. Il y a celles des filles qui sont fonctionnelles, mais elles n'ont pas de portes. Pour faire nos besoins, nous attendons jusqu'à ce que les filles partent ou bien nous nous cachons derrière les murs». Ces propos choquants ont été tenus ce matin, lors d'un reportage réalisé par la radio chaîne III, par les élèves d'un CEM à M'sila. Le journaliste fait ensuite parler un enseignant, qui confirme les dires des élèves. Dur d'imaginer des enfants, dans une région où l'hiver est très rude, grelotter de froid debout ou assis sur des tables, leurs cahiers et livres sur les genoux essayant d'écrire avec leurs mains glacées et tentant de faire abstraction de la désolation qui les entoure, le dénuement et l'inconfort de leur situation pour essayer de se concentrer et de retenir quelque chose de ce que l'enseignant débite. Mais facile d'imaginer les tenues vestimentaires rapiécées et usées par les années, de ces enfants dont beaucoup font quotidiennement des kilomètres à pied pour rejoindre l'école. Une image choquante et révoltante dans l'Algérie de 2009, l'Algérie qui a engrangé une manne pétrolière inespérée et jamais inégalée au cours de l'année faste que fut 2008. L'Algérie où des projets gigantesques sont annoncés, ici et là, promettant monts et merveilles à ses citoyens et où périodiquement des milliards de dinars sont débloqués à différents secteurs, dont celui de l'éducation qui se taille, à propos, la part du lion. Mais peut-être qu'il ne s'agit pas de la même Algérie, peut être que l' Algérie de la manne pétrolière et des milliards de dinars s'arrête quelque part. Là où commence l'Algérie des oubliés, ceux pour qui l'Internet et le micro-ordinateur dans les écoles sont une fiction et où le chauffage, la cantine et le transport scolaire, des rêves lointains et irréalisables. Pour cette Algérie-là, le mot réforme sonne creux. Que peut-il signifier en effet pour ces enfants et leurs enseignants pour qui chaque jour de scolarité est une bataille contre l'adversité ? Sauf miracle, le devenir de ces élèves et le niveau de scolarité qu'ils sont destinés ou prédestinés à atteindre, semblent tracés. Et alors, n'auront-ils pas le droit demain de demander des comptes à ceux qui en auront fait des chômeurs, des quasi analphabètes ? Que leur importent, à eux, les milliards distribués et les politiques expérimentales chaque année renouvelées et annoncées en grande pompe par des responsables dont le seul souci semble être de perdurer au maximum ? Ce que beaucoup ignorent et doivent savoir c'est que les témoignages de ce matin ne font que nous rappeler une réalité hideuse qui touche beaucoup de régions autres que M'sila. Celle-ci n'est malheureusement pas un cas isolé. Les mêmes images d'élèves assis sur des tables et parfois même à même le sol, dans d'autres villes du Sud, mais aussi ailleurs, ont été, à plusieurs reprises, rapportées par la presse nationale. Des images d'élèves grelottant de froid dans des semblants de classes de cours, après avoir, dans la neige ou sous le soleil impitoyable, parcouru des kilomètres à pied, Le choc passé, c'est l'oubli et les décideurs font semblant comme toujours de ne rien voir, comme si tout allait bien, comme si ces Autres Algériens n'existaient pas.