«Le salon, qui a ouvert ses portes au public le 30 octobre dernier et qui s'est clôturé le 10 novembre, a connu une affluence de plus de 1,3 million de visiteurs selon un bilan provisoire», avec des pics de fréquentation les deux week-ends et la journée du 1er mouharam (fériée), mardi dernier. Ce décompte a été livré lors d'une conférence de presse par Hamidou Messaoudi, le commissaire de la 18e édition du Salon international du livre d'Alger (Sila-2013), le lendemain de sa clôture, dimanche dernier. En valeur absolue, 1,3 million est un chiffre appréciable qui justifie les satisfécits des organisateurs. Mais quand on l'inscrit dans un rapport comparatif avec le nombre d'habitants d'Alger et des wilayas limitrophes (Blida, Boumerdès et Tizi Ouzou) qui aurait pu, dû, se déplacer au Salon, le résultat est bien moins reluisant. Selon le recensement démographique de 2008, Alger comptait 2 988 145 habitants, Blida 1 002 937, Boumerdès 802 083 et Tizi Ouzou 1 127 607 habitants, soit un total de 5 920 772 habitants. En 2013, cinq ans après le recensement, ce nombre a dû aisément dépasser la barre des 6 millions. Un petit calcul nous donne près de 20% de la population qui se seront donc déplacés au salon, Cqfd. Pas de quoi se réjouir, surtout que ces 20% ne sont pas tous des lecteurs. Il est vrai que lors de la journée du mardi dernier, le Sila-2013 avait fait le plein. Les trams partaient et revenaient débordants de monde, le parking de la foire affichait complet et le pavillon central était devenu exigu. On se marchait pratiquement sur les pieds. Mais une bonne partie des visiteurs était constituée de familles avec enfants qui avaient profité de la journée de repos pour venir au salon faire leurs achats d'ouvrages parascolaires devenus plus que nécessaires pour combler les lacunes de l'école. D'ailleurs, de nombreux exposants ont réservé de larges places dans les rayonnages de leurs stands à ces ouvrages qu'ils proposaient à des prix relativement accessibles. Les étudiants sont une autre composante importante, et ils s'intéressent principalement aux publications en rapport avec leurs études et spécialités qu'on ne trouve pas tous les jours, partout et à des prix un peu plus abordables. S'ajoutent à ces deux types de visiteurs, les curieux, les revendeurs et les badauds. L'un dans l'autre, des 20% ne restera qu'une frange qui vient au salon du livre pour les livres, romans, essais politique ou d'histoire, mémoires... Certes, on n'a pas de chiffre à brandir, mais nous avons pu avoir un aperçu des ventes de ce type de livres en visitant les stands de différents éditeurs. L'autre indicateur sera ces fameuses ventes-dédicaces qu'organisent les maisons d'éditions pour présenter leurs dernières publications et leurs auteurs. A l'exception des ventes-dédicaces d'écrivaines et écrivains médiatisés -ce qui ne veut aucunement dire plus talentueux que les autres- qu'on peut compter sur les doigts des mains, les autres auteurs se retrouvaient à attendre l'hypothétique lecteur. Ils faisaient peine à voir. Assis derrière une table, leur nom imprimé sur une feuille et leur création empilée à côté, ils étaient là, un stylo à la main, à regarder passer les visiteurs, qui, eux, ne les voyaient même pas. C'est letriste lot de l'écrivain dans un salon où le lecteur est une denrée rare. Un deces auteurs à qui nous avons demandé de nous dire ce qu'il pensait sincèrement de ses séances de ventes-dédicaces, nous répondra que «c'est une véritable torture». «On y vient parce que nous sommes obligés, mais nous savons que nous allons glander. On contacte la famille et les ami(e)s pour au moins avoir quelques personnes, car on sait qu'ils ne pourront pas tous venir. Pour le reste, on reste assis à ne rien faire», ajoute-t-il. Que des auteurs n'attirent plus de monde dans un salon de livre, n'est-ce pas la preuve irréfutable de la déficience du lectorat ? A quoi cela sert-il d'avoir 900 maisons d'édition représentant 44 pays, si le livre n'y gagne rien ou si peu ? Et on ne parle pas làde la mauvaise organisation de l'espace aggravée par l'absence d'indications sur la disposition des stands, l'inexistence de commodités et d'autres lacunes qui ternissent l'image du salon. Les organisateurs peuvent bien remettre en question ce constat. Ils peuvent même démontrer qu'il est erroné. Pour ce faire, il leur suffit de redonner au Salon international du livre d'Alger sa mission naturelle et d'en exclure les ouvrages parascolaires et spécialisés qui devraient avoir leur propre manifestation. Dès lors, on saura si le Sila est un salon du livre ou une foire de l'édition. H. G.