Face au régime de Damas l'opposition armée, aidée par l'Occident, la Turquie, l'Arabie saoudite et le Qatar, a perdu pied. Un affaiblissement militaire qui accentue sa fragilité politique mise à l'index depuis longtemps. L'armée régulière gagne du terrain face à une opposition qui, elle, va de déconvenue en défaite et perd toujours plus d'influence au profit des forces régulières mais pas seulement. L'opposition armée est rangée par la prolifération des groupes intégristes takfiristes. Outre les revers militaires et un manque criant d'organisation, l'ASL accuse aujourd'hui une profonde dissension dans ses rangs. En novembre dernier, la création du Front islamique (FI) -alliance de factions radicales d'influence salafiste qui compte près de 50 000 combattants- a provoqué la défection de nombreux rebelles de l'ASL. Ce qui a poussé Washington, qui n'ignorait pas, apprend-on, l'existence d'armes chimiques aux mains des rebelles deux mois avant leur fameuse utilisation dans la banlieue damascène, à stopper son assistance logistique. L'annonce par Washington et Londres de la suspension de leur «aide non létale» à l'Armée syrienne libre (ASL), principale force armée est un véritable coup dur. Une annonce qui survient après que des dépôts d'armes à Atmeh, au nord de la syrie, et un point de contrôle à la frontière turco-syrienne, détenus par l'ASL, soient passés sous contrôle exclusif des groupes islamistes radicaux. Une annonce suivie par des abondons massifs de responsables de cette armée d'opposition montée de toute pièce. Une période critique que semble confirmer la France, via son ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius. Face à la presse, ce dernier a fini par concéder que «sur la Syrie, je suis malheureusement assez pessimiste. L'opposition modérée que nous soutenons est en grave difficulté». Un constat, affirment les spécialistes du dossier syrien, bien en deçà de la vérité. Certains attestent que «l'ASL n'a jamais vraiment existé. Il y a eu un état-major composé d'une cinquantaine de généraux déserteurs, majoritairement réfugiés en Turquie. On parlait d'armée organisée, ce n'était rien de tout cela, c'était du vent». Si l'Armée syrienne libre compte aujourd'hui encore près de 50 000 hommes, la fragilisation et l'éparpillement de ses forces ne permettent plus de voir l'ASL comme un opposant majeur au régime de Bachar al-Assad. Il en est de même sur le plan politique. Le Conseil national syrien (CNS), autorité politique dite modérée et principal interlocuteur des Occidentaux, peine à s'imposer. «Constitué en grande partie d'exilés de longue date, et loin du terrain, le CNS ne peut pas représenter les Syriens et n'apparaît donc pas comme une force politique viable», estiment les observateurs. Face à ce vide politique, seule une idéologie forte et organisée prospère : l'intégrisme takfiriste. Equipés et structurés, les groupes islamistes - à l'instar du FI - comptent désormais parmi les principales forces d'influence en Syrie. Une omnipotence des islamistes qui inquiète les chancelleries occidentales où l'on craint l'asphyxie de l'opposition «modérée», principale partenaire de l'Europe et des Etats-Unis, sous le poids des forces radicales, appuyées par les monarchies du Golfe, notamment le Qatar et l'Arabie saoudite. Et cette donne n'inquiète pas que l'Occident. Le régime de Bachar al-Assad sait désormais que la guerre se poursuivra contre le terrorisme et elle n'est pas gagnée d'avance. La nébuleuse djihadistes serait d'environ 20 000 personnes, principalement réparties dans deux organisations, le Front Al Nosra et l'Etat islamique en Irak et au Levant (Eiil). Si le premier est essentiellement composé de Syriens, l'Eiil, lui, compterait dans ses rangs entre 7 000 et 10 000 étrangers, notamment des Irakiens, des Turcs et des Européens. Ces djihadistes n'ont pas de projet politique pour la Syrie ou l'après-Assad. Ils veulent l'instauration pure et simple du califat. Ce qui ajoute à la difficulté de lutter contre cette branche. À quelques semaines de la Conférence internationale pour la paix en Syrie, Genève 2, les incertitudes demeurent entières. L'opposition ne sait plus quoi faire. On ne peut négocier en position de faiblesse et, en même temps, le CNS qui dirige cette opposition sait pertinemment que le temps des triomphes est bien révolu. Aussi, les cartes de l'opposition semblent totalement brouillées. Les combattants armés refusent de prendre part aux discussions. Seul le CNS, minoritaire, s'est dit prédisposé à y prendre part. Difficile donc pour l'instant d'envisager la moindre avancée. Pourtant, la situation humanitaire l'exige. 2,2 millions de personnes ont fui la Syrie et s'entassent dans des camps de fortune dans les pays voisins. Les prémices d'un hiver rude et précoce ne présagent rien de bon. M. S.