Le plafonnement des salaires des footballeurs professionnels a fait sortir de leur réserve quelques-uns d'entre eux. Il s'en trouve qui s'interrogent de manière légitime sur la raison pour laquelle à leurs yeux il est pris cette mesure arbitraire qui consisterait à mettre sur le même pied d'égalité des éléments de valeurs différentes. Dans une économie de marché, tel que c'est le concept dans le pays ou du moins l'appréciation que s'en font les dirigeants politiques, il semble donc normal qu'une telle question soit posée par un sportif lequel, d'autorité et paradoxalement au nom de la morale et du jour au lendemain, comparativement à d'autres homologues ou des coéquipiers va voir sa valeur baisser...même si tout cela n'est en fait que relatif dans une compétition où tous les repères en ce sens ont disparu. Mais quelque part également, cette mesure tombe à point dans la mesure où il n'était que temps de mettre le holà à une situation qui devenait anarchique et qui, curieusement, s'est installée sans que nul n'ait vu en venir et le danger et les conséquences qui allaient en découler. L'idée aurait sans doute été de mettre d'accord tout le monde, c'est-à-dire footballeurs, équipes dirigeantes et pouvoirs publics en laissant la marge de manœuvre souhaitée par le microcosme sportif, c'est-à-dire des salaires adaptés à la valeur intrinsèque individuelle du footballeur, mais en y installant cet autre professionnalisme celui de l'administration qui aurait l'œil sur tout, et plus particulièrement les services du fisc et de la sécurité sociale qui auraient alors tout à gagner en récupérant, mais pour de vrai, les charges inhérentes. Mais ce qui n'a pu être mis en place depuis l'avènement du professionnalisme, lequel a été accompagné d'une feuille de route précise de la Fédération de football, ne risque pas de l'être dans les jours, les mois et les années à venir compte tenu des résistances encore persistantes au sein des clubs. Même s'ils ont assuré se plier aux mesures prises par la FAF, il est peu évident que celles-ci soient respectées les doigts sur la couture du pantalon. La collusion dirigeants-joueurs-pouvoirs publics peu regardants est telle qu'elles (les mesures) ont de très fortes chances d'être ignorées Comble du ridicule quelques joueurs, citant des destinations comme la Tunisie, le Maroc et, excusez du peu, l'Europe, parlent de s'expatrier si le plafonnement des salaires devient effectif. Le ridicule est d'autant plus grave qu'il s'agit, pour le moins, des éléments parmi les plus quelconques du championnat national qui brandissent la menace comme si la compétition risquait de ne plus se relever s'ils mettaient à exécution leurs propos. Ceci étant, les compétitions marocaine, tunisienne, et il est inutile d'évoquer celle parmi les plus faibles d'Europe, sont nettement plus relevées que le championnat algérien et lesdites destinations ne sont pas à la portée du premier venu. S'expatrier si le plafonnement des salaires devient effectif. Mais pour aller où ? Pour preuve, le nombre très limité ayant jusque-là capté l'attention desrecruteurs des pays et du continent évoqués. Mieux encore, pour quelle raison il ne se trouve aucun footballeur originaire des pays cités qui évoluent en Algérie, exception faite de ceux qualifiés d'immigrés et qui ne sont en réalité que de banals footballeurs de petits clubs amateurs notamment français. A ce sujet, d'ailleurs, Kamel Madani, ex-président du Mouloudia de Constantine et très actif membre de la LNF au lendemain de l'instauration du professionnalisme dans le monde du football, est incisif : «Notre championnat est l'équivalent de la DNA par rapport aux autres compétitions maghrébines. Ceci étant, nos footballeurs ont certainement gagné en volume physique et en une meilleure valorisation de leurs potentialités techniques grâce à l'apport aujourd'hui très fréquent des techniciens étrangers.» En somme la fermeture des marchés extérieurs est donc une des autres raisons plausibles qui devrait inciter les footballeurs professionnels à raison garder et surtout...garder les pieds sur terre. Néanmoins, il semblerait trop facile de jeter et l'eau du bain et le bébé, la professionnalisation du football national était inévitable, voire essentielle. Il appartient aux pouvoirs publics de l'intégrer de manière rationnelle dans un système de gestion cohérente dont l'astreinte serait de répondre à un cahier des charges définitif et non pas malléable et corvéable à merci, notamment lorsque, pour sortir de situation de crise, ces mêmes pouvoirs publics tel un éléphant dans un magasin de porcelaine se manifestent sans ménagement, voire une certaine grossièreté dans la démarche pour finalement user par doses homéopathiques de solutions qui ne durent pas. Preuve en est la résurgence des conflits dans tous les domaines et à tous les niveaux dès qu'il s'agit du football. Toujours selon Kamel Madani : «Du temps où Djiar était ministre de la Jeunesse et des Sports, le secteur en question s'était montré disposé à résorber le problème des dettes des clubs. L'enveloppe proposée par le ministre était de 50 milliards au moment où les présidents d'associations évoquaient un endettement à hauteur de 320 milliards.» Conclusion : Si la mesure de plafonnement venait à être effectivement appliquée pour la saison prochaine et sans passer par une assemblée générale comme avait tenu à le souligner à juste titre le président de l'ASO Chlef, il est clair que les résultats attendus de cette forme de coercition seront allègrement contournés, car rien n'empêchera tout club de réaliser l'appoint d'un salaire sortant du cadre réglementaire en attribuant, à un footballeur donné, un appartement, une voiture haut de gamme que ce dernier monnaierait ou exploiterait selon ses convenances. Tant qu'une réelle traçabilité des ressources personnelles desquelles vivrait un professionnel ne serait pas mise en place, les failles prévisibles seront comparables aux dimensions de celles de San-Andréa. A. L.