Dans le ciel d'Algérie encrassé par les coups de tonnerre qui déversent leurs eaux boueuses d'infamies et de scélératesses, soudain un éclair d'une éclatante luminosité, qui se dessine en aura sur la tête de celui qui nous en a gratifié. Inutile de chercher loin, c'est Mohamed Charfi qui clôture pour nous tous, en apothéose, la semaine. Dans un texte fulgurant de justesse et de pondération, paru dans l'édition d'hier d'El Watan, l'ancien ministre de la Justice a eu la merveilleuse idée de se faire le mandataire de millions d'Algériens dégoûtés jusqu'à vomir, des nouvelles formes que prend le mercenariat politique dans leur pays. Dans sa réponse magistrale aux propos de l'innommable qui préside (grandeur et décadence) aux destinées du parti du FLN, M. Charfi n'a eu à opposer que les arguments de bon sens élémentaire et sa transcendance morale qui élargit le spectre de sa vision, aux élucubrations et fantasmes d'un personnage qui veut, à lui seul, donner le La de la vie politique nationale, mettre au pas en les terrorisant d'honnêtes commis de l'Etat, apparaître comme le nouveau faiseur de rois après en avoir accusé d'autres -en la leur disputant- d'accaparement illégal de la mission. Magistrat expérimenté, l'ancien garde des Sceaux instruit, certes, un procès moral et politique. Il le fait avec la maestria du procureur qui enfonce preuves irréfragables à l'appui, il plaide avec la force de persuasion de l'avocat qui transforme, dans le prétoire même, un procès à charge en plaidoirie qui décharge et blanchit. «Sois un lion et mange-moi», dit notre sagesse du terroir. Avant de planter ses banderilles dans le dos des innocents, celui à qui répond Mohamed Charfi aurait décidément gagné à retourner sept fois sa langue dans sa bouche. «Si Amar, vous m'avez proposé «amicalement d'extirper Chakib Khelil de l'affaire Sonatrach 2», lui assène-t-il. Quel débat reste-t-il après ce témoignage accablant et implacable, écrit noir sur blanc, du contradicteur de celui qui porte actuellement la parole du premier parti d'Algérie ? Attention, c'est l'ancien ministre de la Justice qui, ici, témoigne en tant que citoyen et était en poste au moment où étaient «enfournées», l'année dernière, les affaires de corruption qui défrayaient la chronique et dont la plus illustre d'entre elles, appelée «Affaire Sonatrach 2», impliquait l'ancien ministre de l'Energie en fuite. «Vous vous interrogez, M. Saïdani, sur le timing de l'extradition de Khalifa qui aurait pu gêner le président de la République, alors que celle-ci n'aurait pu être obtenue sans son investissement personnel» : après une telle estocade portée au centre névralgique du bonimenteur et de ceux qui l'actionnent, la même question revient. Quel débat après cela, sinon l'urgente nécessité de clore un chapitre peu glorieux de la vie politique ouvert comme une brèche béante dans la paroi d'une cambuse chargée d'aliments en décomposition ? Clore voulant aussi dire passer à autre chose, M. Charfi, en juriste maîtrisant parfaitement le Code pénal, suggère à celui qu'il pourfend et confond d'en lire attentivement l'article 75 qui dispose : «Est puni de la réclusion à temps, de cinq à dix ans, quiconque, en temps de paix, a participé en connaissance de cause à une entreprise de démoralisation de l'armée, ayant pour objet de nuire à la défense nationale.» Si l'objectif du «défrayeur» fugace de la chronique politique était de diviser les Algériens entre adversaires et partisans des services secrets (et ils ne sont pas qualifiés de secrets pour rien), le voilà bien servi. Déjà que le peuple est passablement déboussolé et cyniquement poussé vers la désaffection politique et un désintérêt pour tout ce qui est élection, il n'était nul besoin d'en rajouter en désignant à la vindicte des citoyens, mais surtout des étrangers qui nous veulent du bien (sic), un segment très important des forces armées. Merci, M. Mohamed Charfi, de nous avoir aidés à bien terminer la semaine et à entamer l'autre sans avoir l'air d'être des idiots. Car, après votre témoignage empreint d'une totale sincérité patriotique, d'autres bonnes volontés, dans et en dehors de l'Etat, devront se manifester à leur tour et éloigner de nous le spectre d'une honte collectivement ressentie et vécue. A. S.