En attendant les résultats de la présidentielle, qui seront annoncés avant le 5 juin, le Maréchal Abdel Fattah al-Sissi est assuré de devenir le nouveau Raïs de l'Egypte. Ainsi l'élection devrait être suivie de législatives, vers l'automne prochain, poursuivant un processus de remise en «ordre» d'un pays rentré en turbulences sérieuses depuis trois ans. Il est évident qu'al-Sissi jouit d'une certaine popularité depuis son coup de force du 3 juillet 2013. Le Maréchal à la retraite dirige déjà le gouvernement intérimaire installé depuis la destitution il y a 11 mois de Mohamed Morsi. Et malgré une implacable répression visant les partisans de Morsi, le Maréchal est resté le nouvel homme fort du pays le plus peuplé du monde arabe. Pour une majorité d'Egyptiens, al-Sissi est l'homme qui ramènera l'ordre après les années d'instabilité et de crise économique ayant suivi la révolte contre Moubarak. Pour ses détracteurs, cette élection «fait accompli» confirmera que l'armée a repris définitivement le pays en main après avoir laissé Morsi et les Frères se saborder durant leur année au pouvoir. Pour justifier la destitution du premier Président démocratiquement élu du pays, al-Sissi invoque les millions de manifestants réclamant, trois jours durant, le départ de Morsi, accusé de vouloir monopoliser le pouvoir au profit des Frères musulmans. S'en est suivie une répression terrible (sur la place de Rabaa, où a eu lieu le plus grand massacre urbain en un jour depuis Tienanmen), la mort de plus de 1 400 manifestants, l'emprisonnement de plus de 15 000 personnes et des centaines de personnes condamnées à mort dans des procès de masse expéditifs. Cette répression semble toutefois admise par une majorité d'Egyptiens et des médias complaisants, à tel enseigne que le maréchal n'a pas eu besoin de véritablement faire campagne. Son unique rival, le leader de gauche Hamdeen Sabbahi, fait pâle figure. Il a eu le rôle peu glorieux de «lièvre» dans une élection jouée d'avance. Certaines lectures voudraient qu'il se soit présenté à l'instigation d'al-Sissi, ayant besoin d'un adversaire pour vendre son élection aux Occidentaux. Mais au lendemain du scrutin l'Egypte pourra-t-elle trouver la stabilité en détournant les yeux d'une réalité politique et sociale évidente? Pour les défenseurs des droits de l'Homme ce «nouveau» régime est plus autoritaire que celui de Moubarak. «La stabilité ne reviendra qu'avec l'éradication des terroristes», nouvelle appellation officielle et médiatique de ceux qui refusent le dictat. Pour al-Sissi l'Egypte ne sera «pas prête pour la vraie démocratie avant 20 ou 25 ans». En attendant, il faudra se contenter d'une «démocratie» militaire. M. B.