La contrebande en Algérie est un phénomène qui représente un problème tant sécuritaire qu'économique. En effet, contrebande et trafics en tous genres ont pris des proportions alarmantes dans la région frontalière notamment avec le Maroc où tout passe : drogue, carburant, cheptel, produits alimentaires, pharmaceutiques, chimiques etc. À ce propos, le Commandement du 17e groupe des gardes frontières de Bab El Assa, le Lieutenant-colonel Abdelwahab Benaffia, a annoncé hier, cité par l'APS, que quelque 500 000 litres de carburant destinés à l'exportation frauduleuse vers le Maroc ont été saisis de janvier à juillet 2014 par les gendarmes. «Sur les sept premiers mois de l'année, les quantités de carburant saisies sont de l'ordre de près de 500 000 litres contre 320 000 litres pour la même période de l'année écoulée», a déclaré ce responsable affirmant que le trafic de carburant vers le Maroc à travers la bande frontalière Ouest est devenu «une véritable aventure» pour les contrebandiers au vu du dispositif draconien mis en place par les différents corps de sécurité pour contrer ce phénomène. Et face au renforcement des moyens de lutte, le Lieutenant-colonel a évoqué «un changement de méthodes des trafiquants dans le souci de s'adapter au nouveau dispositif mis en place». Il a, dans ce sens, fait état de l'utilisation de baudets par les trafiquants afin d'acheminer le carburant vers le Maroc et de réduire les risques de saisies. Les trafiquants utilisent également des madriers pour traverser les tranchées et procèdent à la détérioration ou à la destruction des obstacles érigés le long des frontières. Et afin de resserrer l'étau autour des trafiquants, les unités de la Gendarmerie nationale en coordination avec d'autres services (GGF) ont adopté une nouvelle démarche qui consiste à la perquisition de tous les entrepôts et habitations situés à proximité ou à l'intérieur de la bande frontalière. Ces opérations ont permis la saisie d'importantes quantités de carburant prêtes à être livrées au pays voisin. C'est ce qui a permis, selon l'officier Benaffia «à faire baisser considérablement les quantités de carburant illégalement acheminées vers le pays voisin». Mais il y a aussi le fait que les unités de lutte effectuent sans relâche, de jour comme de nuit, des patrouilles motorisées ou pédestres le long de la bande frontalière suivant des plans savamment étudiés. Elles sont appuyées par des survols des hélicoptères relevant du 2e commandement aérien de la Gendarmerie nationale. Un objectif les guide : combattre le trafic de carburant en particulier et celui des autres produits en général. Rappelons que l'Etat, résolument engagé dans la lutte contre la contrebande, a renforcé la législation à ce propos. Une loi modifiant et complétant l'ordonnance du 23 août 2005 relative à la lutte contre la contrebande, a été approuvée l'année dernière. Cette loi vient renforcer l'arsenal juridique de la lutte contre ce phénomène pour le rendre plus efficient dans la protection de l'économie nationale. Elle vise notamment à mettre fin au trafic de carburant ayant connu une ampleur phénoménale ces dernières années au niveau des régions frontalières. L'article 11 stipule que «toute personne qui détient dans le rayon des douanes un dépôt destiné à des fins de contrebande ou un moyen de transport spécialement aménagé aux mêmes fins, est punie d'un emprisonnement allant de deux ans à dix ans et d'une amende égale à dix fois la valeur cumulée de la marchandise et des moyens de transport confisqués». À cet effet, l'amende imposée aux fraudeurs est «égale à cent fois la valeur du carburant sur le marché national, dans toutes les infractions prévues par la présente ordonnance», comme énoncé par le même article. «Est punie d'un emprisonnement de deux ans à dix ans et d'une amende de 200 000 DA à 1 000 000 DA, quiconque procède, en violation des dispositions législatives et/ou réglementaire en vigueur, à l'aménagement d'un moyen de transport pour élever sa capacité de stockage de carburant, à des fins de contrebande», précise le même texte. Les individus ayant procédé à l'aménagement d'un moyen de transport pour élever sa capacité de stockage de carburant sont passibles, en vertu de la loi, de «la radiation, selon le cas du registre de commerce ou du registre de l'artisanat et des métiers, de la confiscation du matériel utilisé dans la commission de l'infraction et de la fermeture du local». Rappelons également que l'Etat a même décidé de faire participer le citoyen en l'invitant à signaler les cas de contrebande. À ce propos, les Douanes algériennes ont annoncé la mise en place d'un numéro vert pour signaler les comportements déviants des agents des Douanes et les cas de contrebande. Les autorités ont également décidé de creuser des tranchées et ériger des obstacles le long de la frontière. Enfin et afin de rendre la lutte plus efficace, il a été décidé de combiner les actions entre les Douanes et la Gendarmerie nationale sur les bandes frontalières. Quelque 3 000 agents ont été recrutés pour 79 nouveaux postes de douane et de surveillance (PDS). La décision de l'Etat de frapper fort les contrebandiers a été prise après la grande saignée qu'a connue l'économie nationale à cause de ce trafic ces dernières années. En effet, et selon la déclaration de l'ex-ministre de l'Intérieur, Daho Ould Kablia, «25% de la production de carburant en Algérie est gaspillée ou exportée illégalement». Ces 25% représentent en fait, comme le révèlera un peu plus tard, le ministre de l'Energie et des Mines, M. Youcef Yousfi «plus de 1,5 milliard de litres qui sont détournés annuellement d'une façon illégale. L'Algérie perd 1 milliard d'euros annuellement». Ces chiffres sont confortés du côté marocain où il a été annoncé par le ministre des Finances marocain que durant les cinq premiers mois de l'année 2013, pas moins de 1,63 million de litres d'essence de contrebande en provenance d'Algérie ont été saisies au Maroc, contre 1,281 million de litres durant la même période de l'année 2012. Après les mesures prises par l'Algérie, il semble aujourd'hui, selon les chiffres avancés, que le trafic de carburant enregistre une baisse. Reste à espérer que la courbe continuera sa descente surtout après la décision du ministre marocain de l'Intérieur, Mohamed Hassadle de la construction d'une «clôture» à la frontière avec l'Algérie, longue de quelque 1 500 km. En cours de réalisation, cette barrière équipée de «capteurs électroniques» vise à «protéger le royaume contre les menaces terroristes», a-t-il indiqué. Mais cette barrière devrait par conséquent porter un rude coup aux activités de contrebande. Une aubaine pour l'Algérie ! H. Y.