photo : Zoheir Par Amirouche Yazid Le droit du téléspectateur à l'information sportive est-il remis en cause ? La question mérite d'être posée depuis que la retransmission, notamment des matches de football, est sujette à des négociations entre les différentes instances et les groupes de télévision qui se disputent les droits TV. Certes, la question revient de manière forte à chaque fois qu'une compétition de grande envergure approche. Comme c'était le cas à quelques jours du dernier Mondial allemand. Comme c'était le cas également pour la coupe d'Afrique des nations de 2008. Aujourd'hui, alors que même les championnats nationaux intéressent les groupes de télévision, c'est décidément le téléspectateur qui en paie les frais. Ce dernier est désormais tenu d'acheter les cartes Al Jazzera Sport ou ART pour pouvoir vivre le spectacle du football. Une grande partie des amoureux du football -issus souvent de milieux populaires-, s'en trouvent ainsi punis. Résultat des courses : voir un match de football en ces temps de crise économique est loin d'être à la portée de tout le monde. Vue d'Alger, la question prend les contours d'une hantise. Pas uniquement par rapport aux rencontres des championnats européens, mais également en ce qui concerne les matches du championnat national. Et il y avait plusieurs parties mêlées dans cette bataille de l'image. La Fédération algérienne de football qui avait pour habitude de négocier les images du championnat national avec un seul client, à savoir l'Entreprise nationale de télévision, a vu un autre prétendant frapper à sa porte. Il s'agit du groupe ART, dont les responsables ont vite compris que le marché algérien est le plus juteux dans le monde arabe. Raison pour laquelle, ils sont prêts à débourser des grosses sommes pour obtenir les droits TV du championnat algérien. Le dilemme dans lequel s'est retrouvée la Fédération algérienne de football n'est plus dans le registre des secrets. C'est Hamid Haddadj, le président de la FAF, qui est venu l'annoncer dernièrement à l'occasion d'une sortie médiatique. Loin de schématiser la situation, le propos de Haddadj traduit parfaitement les difficultés qu'elle rencontre pour ne rien perdre et à la fois ne pas irriter les autres acteurs de la question. Il est naturel que la Fédération algérienne soit intéressée par l'offre du groupe ART compte tenu du tarif proposé. Mais l'instance fédérale ne pouvait pas s'exposer aux critiques de la chaîne nationale dans le cas où elle céderait l'exclusivité des images. A ce niveau, il ne s'agit que de la première bataille. Car il faudrait à l'équipe de la fédération d'élargir la table des négociations en intégrant l'Entreprise nationale de télévision. Cette dernière est-elle en mesure de peser sur le cours des pourparlers sachant que le groupe saoudien est une véritable puissance financière ? Les récentes précisions de Haddadj laissent présager une issue qui ne sanctionnerait aucune partie. La mission est d'autant plus difficile à résoudre que d'autres acteurs ne veulent pas perdre leur place dans l'équation. Les clubs de division une du championnat national n'abandonnent qu'épisodiquement la revendication financière liée à la retransmission des matches. Une réglementation est même prévue à cet effet. Elle consiste à sanctionner tout club qui interdit aux équipes de l'ENTV d'accomplir leur travail. Mais les lois régissant le football algérien sont appliquées pour les uns pendant qu'elles sont oubliées quand il s'agit de certains intouchables. Cela s'est passé au cours de la saison actuelle lorsque le président de l'USM Annaba a usé de procédés rétrogrades afin d'empêcher la retransmission d'une rencontre, pourtant annoncée aux téléspectateurs, mais pour laquelle il avait préparé un décor d'hostilité à l'égard de l'équipe visiteuse. Nous sommes bien devant une question de retransmission entourée d'une complexité jamais vécue auparavant, dans la mesure où les forces de l'argent veulent souvent imposer des règles qu'elles jugent appropriées. Et si à première vue on pouvait comprendre que la démonopolisation des images du football profiterait logiquement aux téléspectateurs, ce n'est plus le cas. Les groupes de télévision se sont installés au moment où personne ne les attendait sur la place. Troublantes conclusions que celles de voir la démonopolisation des images fructifier les capitaux des firmes que de satisfaire les passions des peuples. Dans les faits, la démonopolisation des images n'a pas généré la démocratisation de l'accès à l'image, puisque les images viennent de tomber dans un traquenard nommé «exclusivité des droits». Le nouveau système qui régule la retransmission des rencontres de football a donné naissance également à des raisons à l'audiovisuel, public comme privé. Pour éviter à des intermédiaires de contrôler les prix, une initiative a été lancée il y a un an avec la création du Réseau de l'audiovisuel public des pays d'Afrique francophone (Rapaf). A quelques semaines du début de la CAN 2008, le directeur général de la Radiodiffusion du Sénégal, Babacar Diagne, s'est interrogé sur l'intrusion d'intermédiaires. «Alors que le Sénégal a déboursé 1 million d'euros pour diffuser les matches de la CAN, certains pays ont acquis les droits pour 200 000 euros.» L'attractivité du marché a fait perdre au sujet toutes ses normes. La multiplication d'acteurs qui activent au centre ou dans la périphérie de la question de la retransmission des images du football est en train de sanctionner le téléspectateur, impuissant qu'il est, devant la tyrannie de l'argent.