C'est assurément défoncer une porte ouverte que de réaffirmer que les relations algéro-tunisiennes sont bonnes, très bonnes même. Toujours au beau fixe, fondées qu'elles sont sur un partenariat d'exception. Marquées par le triptyque coordination-concertation-coopération. Signe supplémentaire de leur excellence, sitôt élu, le président démocratiquement choisi Béji Caïd Essebsi consacre à l'Algérie son premier déplacement à l'étranger. Il y est venu pour examiner avec son homologue et ami d'un demi-siècle, la consolidation des liens économiques, la coopération sécuritaire et la menace libyenne qui cible la Tunisie et l'Algérie, qui partagent des frontières avec la Libye. Et c'est BCE lui-même qui rappelle à l'occasion la communauté de destin entre les deux pays frères en affirmant que «le sort de la Tunisie est lié à celui de l'Algérie». Et de souligner aussi la densité des rapports bilatéraux en surlignant les liens de sang mêlé et les flux d'échanges humains entre les deux pays. Sans oublier naturellement l'étroite coopération en matière de lutte contre le terrorisme d'inspiration islamiste. Et de dire encore tout le bien qu'il pense de son amitié de longue date et indéfectible avec le président Abdelaziz Bouteflika «qui est mon ami et que je suis le sien depuis plus de cinquante ans». Et c'est toujours BCE qui rappelle également qu'il est venu à Alger, à deux reprises déjà, quand il était dans l'opposition et lorsqu'il était Premier ministre. Sans oublier les déplacements du Premier ministre sortant en Algérie, avec les visites réciproques en Tunisie du président Abdelaziz Bouteflika et du Premier ministre Abdelmalek Sellal, pour ne compter que les trois dernières années correspondant à l'exercice du prédécesseur de Béji Caïd Essebssi. «Il y a eu des étapes décisives dans les relations entre les deux pays durant la présidence de Mohamed Marzouki. Il fut le premier chef d'Etat tunisien à avoir hissé le drapeau algérien au palais de Carthage, à l'occasion de la commémoration de la révolution du Premier novembre 1954.» Le responsable qui a dit ça, en confidence à un journaliste algérien, est un proche du chef de l'Etat sortant. Ce même collaborateur avait rappelé alors les «cinq libertés» accordées par le président Marzouki aux Algériens. A savoir, circuler sans visa et sans passeport, résider, étudier, travailler et investir sans conditions en Tunisie. Un autre responsable tunisien, proche d'Essebssi, considérait quant à lui qu'«Alger est la profondeur stratégique de la Tunisie». Ces deux dirigeants de la Tunisie nouvelle qui se dessine depuis trois ans, avaient alors résumé, à leur manière, la nature et la qualité des relations entre l'Algérie et son voisin de l'Est. Entre l'Algérie et la Tunisie, la température est idéale, et c'est même là un euphémisme. Elles tendent vers la réalisation d'un partenariat d'exception, dont la voie est balisée par une série d'accords-cadres et de conventions bilatérales dans divers domaines d'activité. Avec, comme cadre d'impulsion et d'orientation, une Haute commission mixte de travail, présidée par les deux Premiers ministres. Illustration parfaite en est en 2015 la coopération en matière de défense, de lutte antiterroriste et de sécurisation de 965 km de frontières communes. Coopération intelligente, au sens premier et au sens anglo-saxon du terme, qui confirme la très bonne tenue de relations de bon voisinage déterminées et renforcées par la géopolitique. Le chaos persistant en Libye et le terrorisme déterminent en même temps la coopération militaire. L'Algérie et la Tunisie sont désormais unies par le géoterrorisme qui s'exprime notamment dans l'hinterland formé par le gouvernorat de Kasserine et les wilayas limitrophes de Tébessa et Souk Ahras.Les deux pays ne sont certes pas encore liés par un traité de défense en bonne et due forme, mais ils coopèrent étroitement en la matière depuis la signature en 2001 d'une convention de défense. Cependant, dans l'entourage de BCE, alors candidat à la succession de Moncef Marzouki, on se disait favorable à un traité de sécurité approfondi. En attendant, Alger et Tunis sont désormais attachées par un accord de lutte antiterroriste et de sécurité frontalière, appuyé par un nouvel arrangement militaire. Le géoterrorisme dicte le contenu, le rythme et les moyens de la lutte contre le djihadisme violent qui s'est implanté dans la région frontalière du Djebel Chaambi. Abcès de fixation terroriste qui menace la sécurité des deux pays, qui a incité Tunis et Alger à combiner leurs efforts pour éradiquer les groupes criminels et établir des plans opérationnels coordonnés de sécurité. Programme prévoyant la création d'un comité conjoint spécifique pour le partage de renseignements sur les groupes armés et les réseaux de la criminalité. D'un point de vue purement opérationnel, une centaine de points de contrôle ont été installés le long de la frontière commune. Pour sa seule part, l'Algérie a installé une salle d'opération pour coordonner les actions entre officiers algériens et leurs homologues étrangers du renseignement, dont, au premier plan, les Tunisiens. Enfin, le pays est en voie de se doter d'un système de surveillance électronique équipé de radars et de systèmes d'alarme capables de détecter les tentatives d'infiltration du territoire par les véhicules ou les personnes. Outre ce dispositif de maillage et de contrôle, il y a déjà une surveillance aérienne intensive en appui. Et les patrouilles au sol sont épaulées par des troupes spéciales du contre-terrorisme déjà présentes dans les zones concernées, y compris à la frontière tunisienne et dans la zone ultra-sensible limitrophe du gouvernorat de Kasserine. La coopération entre les deux pays est appelée à se renforcer du fait même de la persistance du terrorisme dans la région de Kasserine. La zone crisogène de Chaambi est devenue un point de fixation terroriste par excellence : 23 attaques terrodjihadistes en 2013 et une dizaine en 2014, combinant attentats, assauts, embuscades, raids éclairs et minage de zones. L'armée algérienne, désormais la mieux équipée en Afrique du Nord, s'emploie à fournir à une armée tunisienne en déficit de matériels neufs et adaptés, des équipements adéquats et à former des unités tunisiennes à la lutte antiterroriste. La coopération militaire renforcée et l'aide algérienne sont d'autant plus nécessaires que l'armée tunisienne, qui souffre de déficits structurels, est sous-équipée dans tous les secteurs, alors même que son outil de défense est parfaitement inadapté à la lutte antiterroriste qu'elle découvre et à laquelle elle s'adapte vaille que vaille. L'amitié exemplaire entre l'Algérie et la Tunisie, dont les racines profondes remontent à la Guerre d'indépendance algérienne, est désormais un exemple au Maghreb. Elle pourrait être le ciment et le catalyseur de la construction maghrébine. La qualité de la coopération bilatérale, rendues excellentes par une intense coopération sécuritaire, plaide désormais pour beaucoup mieux qu'un partenariat d'exception. Pour un traité d'amitié et de défense. Non, mieux même, un traité de fraternité. Plus conforme à l'Histoire et à la géographie. N. K.