A l'opposé du brumeux projet de l'union pour la Méditerranée (UPM), né dans l'euphorie d'un soir de victoire électorale, la construction européenne a été fondée sur un idéal et des chantiers progressifs. Loin d'être encore achevé, l'édifice européen est assis sur trois fondations : cohésion, intégration, solidarité. Loin d'être celui d'un seul homme, l'idéal européen fut lancé dès le XIXe siècle par Saint-Simon et Victor Hugo et sera porté plus tard par les grands Européens Aristide Briand, Jean Monnet et Robert Schumann. «La grande évolution européenne, la révolution qui visait à remplacer les rivalités nationales par une union des peuples» commencera bien plus tard par la Communauté européenne du charbon et de l'acier (1951). La construction européenne s'est donc faite par à-coups, les étapes et les avancées succédant aux retours en arrière. Jusqu'à l'Europe élargie des vingt-sept, résultat d'une longue maturation jalonnée par des tapes comme la Communauté économique européenne (CEE) et l'Europe à treize. La force de l'Europe en construction évolutive, c'est d'abord et surtout la cohésion. Cohésion territoriale, cohésion économique, cohésion sociale et cohésion démocratique. C'est, concrètement, les politiques communautaires et régionales, des coopérations bilatérales ou multilatérales renforcées et des outils d'intégration. Ainsi, la Politique agricole commune (PAC), la stratégie européenne pour l'emploi, les politiques de l'environnement, de la recherche et développement, des transports, de l'entreprise et de la pêche. L'Europe, c'est en même temps de formidables outils d'intégration comme le Marché commun, la monnaie unique, la Banque centrale européenne, des institutions régionales, un Parlement, une sorte de gouvernement supranational comme la Commission européenne, une Europe des polices, une défense embryonnaire mais basée sur la mutualisation de moyens de projection et d'intervention. L'Europe, c'est aussi la solidarité des peuples, matérialisée par les aides nationales des Etats et les aides d'Etat à finalité régionale. Ces mécanismes de partage ont permis à des régions et des pays comme le Portugal et surtout l'Espagne et l'Irlande de rattraper leur retard de développement et d'afficher des indicateurs de prospérité insolents. Aujourd'hui, malgré la persistance de forts taux de chômage, notamment dans un pays tel que la France, l'affaiblissement des disparités de revenus par habitant entre Etats et régions est constant. A mille lieues de l'Union européenne, l'UPM, dans le contexte méditerranéen de 2008, c'est, a priori, l'union impossible des «contraires». Une Méditerranée du Nord économiquement prospère et politiquement démocratique. Une Méditerranée du Sud, économiquement sous-développée et en déficit démocratique chronique, les indicateurs de développement économique et d'évolution démocratique présentant un ensemble d'entités disparates et désolidarisées. Les instruments d'intégration régionaux, quand ils existent comme l'Union maghrébine (UMA), sont minés par des rivalités récurrentes et ont un volume d'échanges commerciaux étiques et insignifiants (moins de 2% des transactions globales avec le reste du monde). En dehors des réponses à apporter à des questions essentielles comme celles de la présence d'Israël au sein de l'UPM, du Sahara occidental, de Chypre et de la Turquie, l'espace sud-méditerranéen est une zone crisogène et instable. La situation politique au Liban est toujours confuse. Quatre des principaux acteurs arabes de l'UPM, le Maroc, l'Algérie, la Tunisie et l'Egypte sont régulièrement secoués par des troubles sociaux quand ce n'est pas la question de la violence terroriste qui est posée. Cela a pour effet de s'interroger sur la fiabilité des régimes concernés dans les domaines de la sécurité et de la gestion sociale des peuples. N. K.