L'Union européenne garde un œil sur la Caspienne, tout en demandant plus de gaz russe. Seulement, elle semble vouloir la sécurité énergétique à peu de frais. L'UE vient de réduire de cinquante millions d'euros son financement du projet de gazoduc Nabucco censé acheminer le gaz caspien contournant la Russie. C'est la presse turque qui rapporte la coupe sévère opérée par les Vingt-Sept dans le budget consacré à ce mégaprojet. Evalué à 7,3 milliards de dollars, le projet Nabucco représente un prolongement du gazoduc Bakou-Tbilissi-Erzerum. Il doit permettre de transporter 20 à 30 milliards de mètres cubes de gaz naturel par an à partir de 2014. Les négociations sur la construction de Nabucco, qui achoppent sur les garanties de remplissage du gazoduc, se poursuivent depuis plusieurs années, mais elles se sont intensifiées début 2009 en raison du conflit gazier russo-ukrainien. Ce conflit a poussé les Européens à chercher à diversifier leurs fournisseurs. Et c'est de bonne guerre. Parmi les fournisseurs potentiels de gaz naturel pour Nabucco, on cite l'Azerbaïdjan, l'Iran, le Turkménistan et l'Irak. L'idée de remplir le gazoduc avec du gaz irakien est activement promue par les Etats-Unis. A la mi-février, les médias turcs annonçaient que la Banque mondiale était prête à subventionner les travaux de construction en cas de compromis entre la Turquie et l'UE. La Turquie souhaite obtenir 15% du gaz transporté par le pipeline au grand dam de Bruxelles. Le prochain sommet des pays participant au projet Nabucco doit avoir lieu en mai prochain à Prague sous les auspices de la présidence tchèque de l'UE. Et pendant que l'Europe réfléchit à contourner le gaz russe, et, peut-être, à s'en passer, dans les années à venir, pour les raisons évoquées plus haut, le Japon en demande, lui. Le président russe, Dmitri Medvedev et le Premier ministre japonais, Taro Aso, s'apprêtent à inaugurer l'usine Gazprom de liquéfaction de gaz naturel de l'île de Sakhaline. Les deux dirigeants se rencontrent sur cette terre extrême-orientale de Russie, à 6 500 km de Moscou mais à une centaine de kilomètres seulement des côtes japonaises. Pour la première fois de son histoire, le géant Gazprom ne livrera plus seulement son gaz à l'Europe mais aussi au Japon, en attendant la Corée du Sud et les États-Unis. Dernière étape du projet Sakhaline 2, désormais mené par Gazprom, Shell et les Japonais Mitsui et Mitsubishi, l'usine sera la première en Russie à produire du GNL (gaz naturel liquéfié). La forme liquide permet de s'affranchir de l'infrastructure des gazoducs pour exporter la source d'énergie par bateau. Trois méthaniers sont d'ores et déjà prêts à appareiller pour le compte du consortium Sakhalin Energy à destination des premiers clients japonais de la Russie. Sakhaline 2 est un chantier pharaonique sur une île à fort risque sismique. Les plates-formes pétrolières et gazières ont été construites au nord, dans la mer d'Okhotsk, prise par les glaces plusieurs mois par an.