Aliment sacré, le pain a tendance à devenir le «plat» préféré des Algériens et sa surconsommation à coup de millions de baguettes/jour met la pression sur les boulangeries qui multiplient les fournées pour faire face à la demande des ménages, mais sans toutefois respecter, dans une large proportion, tous ses ingrédients nécessaires à l'instar du sel iodé. Aliment sacré, le pain a tendance à devenir le «plat» préféré des Algériens et sa surconsommation à coup de millions de baguettes/jour met la pression sur les boulangeries qui multiplient les fournées pour faire face à la demande des ménages, mais sans toutefois respecter, dans une large proportion, tous ses ingrédients nécessaires à l'instar du sel iodé. Cela se fait parfois, regrette-t-on, au détriment de la qualité, avec des conséquences préjudiciables pour la santé publique, notamment quand le pain est dépourvu de sel iodé. Or, l'iode est essentiel à la fabrication des hormones thyroïdiennes. Et l'absence ou l'insuffisance en iode entraine l'apparition du goitre, soit un retard de croissance et des troubles mentaux, d'où l'engagement des pouvoirs publics à juguler par tous les moyens cette pathologie. Pour éradiquer cette pratique, le ministère du Commerce mène depuis plusieurs années une lutte implacable contre le goitre et ce, par le truchement de campagnes itératives de sensibilisation sur la nécessité de consommer des aliments contenant du sel iodé. Parmi les mesures prises en vue d'inverser la courbe ascendante des personnes atteintes de goitre, la signature en février 2016 d'une convention entre l'Entreprise nationale des sels (Enasel) et la Fédération nationale des boulangers (FNB) affiliée à l'Union générale des commerçants et artisans algériens (UGCAA). 83 000 tonnes de sel alimentaire produits en 2017 Attestant que le principal objectif de cette convention est la «protection du consommateur», en lui proposant du pain fabriqué à base de sel iodé, le directeur général de l'Enasel, Nabil Maghlaoui, a confié à l'APS que cette entreprise est pour l'heure «timidement suivie par les boulangers». Selon le responsable, la proposition de l'entreprise nationale des sels de céder aux boulangers des sacs de 25 Kg avec doseur n'a pas eu «d'écho favorable», assurant que l'Enasel a pourtant affiché sa «disponibilité» pour les aider et les accompagner dans la perspective de mener à bien cette convention. Il a fait savoir, dans ce contexte, que «seulement 20% des boulangers s'approvisionnent régulièrement auprès de l'Enasel» qui, a-t-il annoncé, envisage de produire 83 000 tonnes de sel alimentaire pour le marché national en 2017, lequel est «iodé» par la pulvérisation d'iodate de potassium, importé à raison de 10 tonnes par an. Evoquant la «concurrence» du secteur privé qui propose du «sel moins cher mais pas forcément de qualité», M. Maghlaoui a également fait état de la nécessité d'abandonner certaines «mauvaises pratiques», surtout quand il s'agit de la santé du consommateur. 3 millions de dinars de frais d'hospitalisation et de traitement Rappelant la volonté des pouvoirs publics de lutter contre les carences en iode, le DG de l'Enasel a indiqué que chaque malade atteint de goitre coûte à l'Etat «trois millions de dinars» entre frais d'hospitalisation et de traitement. Attestant, quant à lui, que «rien ne marche» pour le moment concernant cette convention, le Secrétaire général de l'Union générale des commerçants et artisans algériens (UGCAA), Salah Souilah, a déploré «l'inexistence» de représentants de wilayas désignés par la Fédération des boulangers chargés de la distribution du sel fourni par l'Enasel, comme cela était préalablement convenu. A contrario, Youcef Kalfat, président de la Fédération nationale des boulangers (FNB) affirme que «plus de 90% des boulangers» utilisent du sel iodé dans la confection du pain, soutenant que la convention signée avec l'Enasel, il y a près d'une année, est «appliquée» même si certains boulangers ont encore recours au secteur privé. Sur un total de 21 000 boulangers enregistrés à travers le territoire national (14 000 boulangers pâtissiers et 7 000 artisans-boulangers), le pourcentage de ceux qui n'utilisent pas le sel iodé est «faible», a-t-il encore souligné. Mais selon une étude menée en 2015 par le ministère du Commerce, «90% des boulangers utilisent du sel non iodé», d'où l'idée de les amener à se conformer à la réglementation grâce à cette convention. 141 kg de sel non iodé saisis en trois mois Au cours du troisième trimestre de l'année 2016, les services de la direction du commerce de Constantine ont saisi 141 kg de sel non iodé sur le marché local, et réalisé 8 prélèvements de sel dont 3 se sont avérés «non conformes», au cours d'opérations de contrôle ayant notamment ciblé 38 boulangeries, a indiqué Abdelhakim Merad, responsable de la cellule de communication de ladite direction. A ce tire, le directeur général de l'Enasel a fait remarquer que même si la qualité des produits proposés par cette entité économique suscitent l'intérêt des consommateurs, il se trouve que «la moitié seulement de la population» consomme du sel iodé, d'où le nombre encore important de malades atteints de goitre signalé. Abondant dans le même sens, le Pr El Kassem Lezzar, médecin-chef du service d'endocrinologie au CHU Dr Benbadis de Constantine, atteste que le «goitre endémique est loin d'avoir été jugulé», regrettant, toutefois, l'absence d'études et de statistiques exhaustives à ce sujet. Selon le Pr Lezzar, la dose journalière d'iode requise est de 100 microgrammes, mais si celle-ci est inférieure à 50 microgrammes, cela peut engendrer un goitre, tout comme un excès d'iode peut être néfaste en interférant sur la fabrication des hormones thyroïdiennes, se traduisant également par un goitre. Ce spécialiste en endocrinologie estime qu'une étude basée sur un dosage d'iode dans les urines d'un échantillon de la population permettrait éventuellement de «réévaluer» la quantité d'iode nécessaire pour mettre un terme définitif à cette pathologie endémique. La sensibilisation aux dangers liés à la consommation de sel non iodé devra cibler pas uniquement les boulangeries, mais toute la population sachant que de très nombreux commerces proposent aussi à la vente de la galette, fabriquée dans les foyers et qui «échappe à tout contrôle», a-t-on relevé. APS