Ahmad Ahmad (57 ans) a mis Issa Hayatou (70 ans) dans la «sauce», en s'imposant par un score de 34 voix contre 20 lors de l'élection à la présidence de la Confédération africaine de football (CAF), tenue hier, jeudi 16 mars, à Addis-Abeba. Le Malgache signe ainsi l'acte de fin de règne sans partage du Camerounais qui a présidé aux destinées du football depuis le 10 mars 1998. Ahmad devient alors le 7e président de la CAF, après Abdel Aziz Abdallah Salem, Abdel Aziz Moustafa (Egypte), Abdel Halim Muhammad (Soudan), Yidnekatchew Tessema (Ethiopie), Abdel HalimMuhammad (Soudan) et Issa Hayatou (Cameroun) Alors qu'on n'a pas encore fini d'épiloguer sur la remontada historique du FC Barcelone sur le Paris Saint-Germain, un autre séisme vient de secouer le football avec l'élection d'Ahmad Ahmad à la tête de la présidence de la Confédération africaine de football (CAF) hier, jeudi 16 mars, à Addis-Abeba. Le président de la Fédération malgache de football a battu le Camerounais Issa Hayatou qui trônait à la tête du football continental depuis le 10 mars 1988. Relativement méconnu par rapport à son adversaire qui briguait son 8e mandat après 29 ans de présidence, le Malgache a su déjouer tous les pronostics en obtenant 34 voix contre 20 pour Hayatou. Vaste campagne d'Ahmad contre les lobbies des souteneurs de Hayatou La CAF était devenue ou presque une propriété privée d'Issa Hayatou. Le Camerounais en usait et en abusait avec des membres du Comité exécutif acquis à sa cause. Il avait fini par transformer ses élections à la présidence en une simple formalité. D'ailleurs rarement, Hayatou avait un adversaire. Il avait fini par faire le vide autour de lui, tout en s'entourant d'une cour d'amis et de sympathisants au service de la cause du prince. Et quand Ahmad Ahmad a rendu officielle sa candidature, le 13 janvier dernier, à la veille du coup d'envoi de la Coupe d'Afrique des nations Gabon 2017, certains observateurs avaient vite vu en lui, un «plaisantin» et un «suicidaire» pour avoir osé défier «l'indomptable» Hayatou. D'ailleurs, il recevra un premier coup de massue avec le retrait de l'organisation de la Coupe d'Afrique des cadets initialement confiée à son pays, le Madagascar. La CAF avance des retards dans la préparation et l'absence d'infrastructures. Cette CAN des cadets sera confiée au Gabon en guise de récompense. Le président Ali Bongo avait largement contribué à une bonne organisation de la CAN dite de «dépannage» en 2015 en Guinée-équatoriale. Mais, une telle «sanction» semble plutôt doper le candidat Ahmad qui va sillonner l'Afrique à la pêche des voix. La Cosafa, sa zone, avec ses 14 voix, soutient sa candidature. Le programme en bandoulière, il ira discuter avec tous les indécis pendant que Hayatou s'enferme dans sa tour d'ivoire préférant envoyer au charbon ses «souteneurs». Le Malgache «drague» aussi les pays anglophones qui en veulent à Hayatou d'avoir, à tord ou à raison, privilégié les pays francophones dans l'attribution des CAN. Surtout celle de la CAN-2023 à la Guinée sans appel à candidature. Juste pour plaire à un fidèle parmi les fidèles, Almamy Kabele Camara ? La coupe était pleine et Hayatou devait payer. Surtout que le vent du changement avait soufflé un peu partout. La main invisible de Gianni Infantino L'implication du président de la Fifa dans cette élection africaine est difficile à prouver. Mais la coïncidence de certains actes trouble les esprits parce qu'ils sont loin d'être anodins. Nul n'ignore que l'Italo-Suisse ne porte pas Hayatou dans son cœur. Et ce dernier le lui rend bien. Infantino ne pardonnera jamais au président sortant de la CAF, d'avoir soutenu Sheikh Salman Bin Ebrahim Al Khalifa lors de l'élection à la présidence de la Fifa en février 2015. Lors du fameux appel de Kigali, le Comité exécutif de la CAF avait demandé aux 54 fédérations de voter pour le Bahreïnien. Dans les coulisses, il est rapporté que Hayatou voyait mal un «simple secrétaire général de l'Uefa connu lors des tirages au sort de la Ligue des champions devenir président de la Fifa et chapeauter la CAF». Infantino avait donc hâte d'en découdre avec Hayatou sur son propre terrain de jeu : l'Afrique. C'est ainsi qu'il a entrepris un voyage vers la fin du mois de février qualifié de campagne déguisée pour Ahmad. Surtout quand le président de la Fifa s'est permis d'assister à l'anniversaire du président de la Fédération zimbabwéenne de football où tous les présidents de la Cosafa avaient été conviés. La CAF avait d'ailleurs sorti un communiqué pour dénoncer cette rencontre qui se tiendra en présence de Gianni Infantino. Mieux, ce dernier poursuivra sa tournée africaine en ciblant neuf pays dont les présidents sont estampillés proches de Ahmad. Quid de la suppression des quatre bureaux de développement de la Fifa installés au Caire, Abidjan, Yaoundé et Gaborone ? Infantino va en rouvrir deux. Mais cette fois à Dakar et à Johannesburg. Le choix de ses deux villes n'est pas fortuit. Selon certaines indiscrétions, ce sont les présidents des Fédérations du Sénégal et de l'Afrique du Sud qui auraient dénoncé l'appel de Kigali, susmentionné. A moins que la nomination de Fatma Samoura au Secrétariat général de la Fifa en soit pour quelque chose. Ce qui est sûr, c'est que la revalorisation de l'aide financière de la Fifa accordée aux Fédérations africaines que Hayatou a qualifiée de «Plan Marshall»a pesé sur la balance. Sans occulter la promesse d'octroyer 9 places à l'Afrique à partir du Mondial-2026. L'autre différend entre Hayatou et Infantino, c'est dans l'approche. Alors que l'Européen plaide pour l'absence totale d'ingérence politique dans le football, l'Africain lui, soutient que le football ne peut jamais se développer sans l'implication des autorités politiques. L'usure du pouvoir Issa Hayatou était le dernier des Mohicans. 29 ans au pouvoir, il faut remonter le temps pour voir un président d'une organisation faîtière passer autant de temps à la tête d'une Fédération. Après Juan Antonio Samaranch (CIO, 21 ans), Joao Havelange (Fifa, 24 ans), Sepp Blatter, élu en 1998, avait tenté le coup en 2015, après des réélections en 2002, en 2007 et 2011. On connaît la suite. Le vent de l'alternance avait soufflé un peu partout. C'est ainsi qu'au CIO, les textes ont été revus. Un président ne peut plus faire plus de deux mandats de 8 et de 4 ans. Idem à la Fifa avec trois mandats de 4 ans. La CAF fera comme d'habitude dans le mimétisme, mais en laissant à Hayatou la possibilité de briguer trois possibles mandats, alors qu'il a déjà fait 29 ans au Perchoir. L'homme qui avait fini de vampiriser tous ses potentiels adversaires n'avait pas eu le temps de préparer sa succession. Avec sa santé chancelante, il ne s'est pas non plus rendu compte de la rancœur de certains délégués qui sont souvent humiliés par les méthodes peu orthodoxes et le ras-le-bol de l'opinion publique africaine. Sans occulter l'opacité dans sa gestion. Tout n'est pourtant pas mauvais Issa Hayatou s'est, certes, momifié à la tête de la CAF, mais son magistère n'est pas fait que de coups bas. Il y a aussi porté très haut le football africain. On peut retenir le passage de deux équipes à cinq à la coupe du monde. Mais aussi la tenue régulière de toutes les compétitions de la CAF à date échue. Sans éluder la santé financière de la CAF. Que dire de la création du CHAN, compétition exclusivement réservée aux joueurs évoluant sur le continent. Contre vents et marées, les pressions européennes et des clubs employeurs, Hayatou a tenu tête aux pourfendeurs de la périodicité de la CAN (tous les deux ans) mais aussi de sa tenue en début de chaque année (janvier ou février) pour éviter l'hivernage. Reste maintenant à savoir si Ahmad, sur qui pèse des soupçons de corruption dans l'attribution du Mondial-2022 au Qatar, consolidera les acquis. L'Afrique attend surtout du Malgache une gestion plus transparente dans les affaires et dans l'attribution des CAN par l'Assemblée générale et non par le syndicat du Comité exécutif. A. T. In Sud Quotidien