«Ces temps où l'on pouvait compter sur les autres sont révolus. C'est ce dont j'ai pris conscience au cours des derniers jours... Nous, Européens, devons vraiment prendre notre destin en main !», Angela Merkel, citée par le tabloïd Bild. «Ces temps où l'on pouvait compter sur les autres sont révolus. C'est ce dont j'ai pris conscience au cours des derniers jours… Nous, Européens, devons vraiment prendre notre destin en main !», Angela Merkel, citée par le tabloïd Bild. Le G7 que Ph. Grasset a renommé le G6 + 1, non sans malice, mais avec une incontestable «vérité de situation, (1) selon une de ses formules favorites, s'est terminé sur un constat de divergences clairement formulé par Angela Merkel. Dans une autre formule que celle de Macron, elle appelle l'Europe, à prendre conscience qu'elle ne peut agir en confiance avec les autres partenaires. Elle ne parlait pas de l'Iran ni de la Russie, bien sûr, mais des USA, cette puissance qui avait réussi à doper la reconstruction de l'Allemagne de l'Ouest pour opposer au socialisme d'Etat de la RDA une vitrine de la réussite du «modèle» capitaliste, comme elle l'a fait aussi pour la Corée du Sud face à la Corée du Nord et d'une certaine façon pour le Japon. Evidemment de puissants facteurs internes expliquent le décollage allemand à la verticale : les ressources managériales, scientifiques, techniques, l'héritage de la tradition industrielle et capitaliste, qui a amené l'Allemagne à rejoindre et dépasser la France et l'Angleterre sur le seul temps du 19e siècle et sans les immenses avantages tirés par ces deux puissances du pillage des conquêtes coloniales et de la traite des esclaves, sauf un bref épisode de soutien étatique allemand à des «sociétés coloniales privées» entre 1871 et 1918, en Afrique Australe. Le langage direct de la chancelière ne laisse aucun doute sur l'avènement d'une fissure. Ce qui peut inquiéter Madame Merkel, de l'intérieur de son propre camp occidental si attendrissant dans son unité autour de ses «valeurs» affichée avec une candeur à la Heïdi, devrait nous alarmer sérieusement, nous, les peuples du Sud ou du moins alarmer nos composantes les plus exposées aux effets de la gouvernance mondiale G7 ou G6+1. Les contradictions de ces grandes puissances sont aussi désastreuses pour nous que leur unité. Elles sont le signe que leurs guerres ou leurs conflits seront portés sur nos sols. Cela a un nom : les guerres proxy et un contenu la guerre pour les marchés et les ressources. Le chaos projeté et le désordre immanent. Au plus près de nous, leur «unité» nous a valu le désastre de la destruction de la Libye saluée comme une libération par une partie significative de la presse algérienne. Elle nous a valu le désastre du «Printemps» arabe qui sous la bannière de la démocratie nous ramené le règne du contrôle des Frères Musulmans de la société en entier et de chaque individu en particulier. L'assentiment de la gauche algérienne à ces printemps ne lui ajoute aucun aura. La déferlante du changement de régime, comme voie obligée et norme d'adaptation et de compatibilité, s'est brisée sur la résistance et la résilience de la Syrie et des forces de la résistance. Une mention spéciale doit être accordée à la gauche tunisienne et à sa détermination politique. Elle a été, elle reste et restera certainement la force de résistance populaire et politique et l'animateur essentiel dans notre Maghreb d'une mise à jour des idées de la décolonisation économique et du socialisme. Unies, ces puissances, ont organisé le pillage pacifique de nos ressources, élargi encore plus, dans nos pays, les parts de marché pour leurs produits. Désunies, nos pays deviennent leurs terrains d'affrontements, pour les mêmes parts de marchés, pour les mêmes ressources, et pour les mêmes plans géostratégiques de contrôle des énergies. Les compteurs Geiger sont les seuls instruments fiables pour comprendre et mesurer le voyage de Macron au Mali, et saisir le sens exact de son admonestation à l'endroit des pays du Sahel et de notre pays. Le désordre et les conflits Les résultats des deux voyages, si rapprochés dans le temps, d'Angela Merkel et de Trump, en Arabie saoudite, ressemblent à un combat à la Tyson, entre les deux poids lourds de l'économie mondiale. 480 milliards de dollars contre rien ou presque rien à Merkel, les chiffres des échanges entre l'Allemagne et l' Arabie saoudite tournant autour de huit petits milliards de dollars. En fait il était difficile de comprendre les motivations ou les buts réels de Merkel au pays des Saoud et ce voyage ne pouvait être un déplacement sans signification profonde et réelle. Une seule hypothèse m'a semblé sérieuse, qui suppute que Merkel, pressentait un si grand changement de la politique US au Proche-Orient qu'elle est allée avec ses dirigeants d'entreprise s'assurer de l'humeur commerciale des Saoudiens, en ces périodes de chute drastique des prix du pétrole. L'hypothèse avance que Merkel a ressenti une telle trouille que Trump avance dans ses buts de désescalade avec la Russie, qu'elle s'est assurée que Riyad ne suivrait pas, Trump dans son idée de paix rentable avec les Russes. Elle a fait le voyage en messagère de la guerre ? La guerre et les bobards Peu importe, les buts cachés, ce qui est apparu clairement est la guerre est un élément essentiel de la relance commerciale et industriel. C'est par les besoins de la guerre, que Trump a fait cracher au bassinet, le Roi des Saoud et son fils Selman, sous le regard de trois mille princes spectateurs. Une image me semble résumer ce facteur décisif que nous cachent les prêtres de «l'économie de marché», le facteur rapport des forces, le facteur de puissance, dont les USA sont si conscient au point qu'ils ne misent plus que sur leur supériorité militaire pour freiner ou modifier la «marche naturelle» de «l'économie de marché» qui place inexorablement la Chine devant les USA, pour tout, des nanotechnologies à la fameuse énergie solaire. C'est l'image de Hollande et Sarkozy faisant la danse du ventre pour vendre leurs armes, alors que les Saoudiens font la danse du ventre pour acheter les armes américaines avec en prime des dizaines de milliards d'investissements. La notion de protecteur prend tous ses sens, même celui des films sur la traite des blanches. C'est vous dire. C'est par la guerre que Trump a déjà réussi à faire cracher au bassinet, l'Europe qui est dans l'Otan. Curieusement, avec les Saoud, les relations entre les choses se dévoilent (sans jeu de mot) plus simplement qu'avec les discours ultra maîtrisés des Occidentaux : la guerre, ça marche toujours avec l'idéologie. Pour rester dans l'image de la danse du ventre et des protecteurs, l'idéologie, c'est le lubrifiant des «bonnes» guerres, longues, cruelles, obscures à la raison du quidam. Une guerre de flashs, de clichés, d'images vite remplacées par d'autres images. Le Wahhabisme est l'idéologie parfaite pour la guerre au Moyen-Orient. La combattre c'est combattre la guerre qui remplit les caisses. «Des emplois, des emplois» répétait Trump. Des armes, des armes pensait le Salman qui n'a jamais dû réfléchir aux armes du Viêt-Cong et leur rapport aux armes US. En 2015 le budget militaire annuel et officiel de l'Arabie saoudite s'élève à 81 milliards de dollars, troisième budget mondial après les USA (597,50 milliards) et de la Chine (145,8) supérieur à celui de la Russie, de l'Angleterre, de la France et de l'Inde. En moyenne, le royaume dépense 2 454 dollars par habitant contre 1 836 dollars par habitant pour les USA. Je suppose, certainement comme vous, que le coût de la plus grande flotte de guerre, maritime ou aérienne, doit coûter infiniment plus cher et donc que les dépenses saoudites sont encore plus folles, compte tenu de ce facteur. Qu'est-ce qui peut expliquer, cette folie saoudienne pour l'armement, que ces facteurs idéologiques ? Auxquelles se surajoutent certainement et aussi des facteurs psychanalytiques liés aux questions de la puissance ou de la toute puissance, un mélange de pathologies que vous devinez. Trump a fait payer tout le monde. Vous croyez que les questions du climat intéressent vraiment les dirigeants européens ? L'écologie est devenue une question centrale du jour où elle est apparue comme possibilité de créer un marché à taux de profit élevé. La bataille, des idées justement, l'idéologie comme dirait l'autre, est cruciale pour entraîner les peuples du monde et les pays-gogo style pays du tiers-monde pour les amener à assumer de nouveaux besoins dont ils n'ont rien à foutre en réalité, pour faire marcher les secteurs des nouvelles industries. Les Nicolas Hulot comme les Brice Lalonde ont joué ce rôle de création d'une vertu dans le rapport à la nature. Rien ne pourra jamais faire oublier que la pierre angulaire, la base philosophique de la bourgeoisie et du capitalisme est «de se rendre maîtres et possesseurs de la nature». Les amis de la nature, ceux qui avaient avec elle des liens de respect, d'amour et de parenté, c'est les peuples indigènes Merkel. Non seulement, Trump fait payer l'Allemagne et les autres pour avantages comparatifs indus par la prise en charge pour leur sécurité, mais il redonne au capitalisme un avantage en le débarrassant des contraintes morales de l'écologie. Le couvoir à conflit Merkel a laissé l'impression qu'elle parle pour tous les pays du G6 Canada et Japon compris. En parlant de méfiance, elle a souligné qu'il a rupture sur la vision de fond entre les USA et les autres. Cette vision de fond, elle l'avait exprimé pendant les élections. Encore que Merkel a quelques droits de parler au vu de la puissance allemande, mais Hollande ? Qu'est-ce qui les dérangeait ? Et pourquoi se sont-ils adressés au peuple américain pour lui rappeler qu'il y a de mauvais choix démocratiques et que Trump était ce mauvais choix ? Pouvaient-ils parler au «grand peuple américain» comme ils ont parlé aux Palestiniens quand ces derniers ont voté Hamas et donné vie à un gouvernement «indésirable» à leurs yeux ? Peut-on à ce point mépriser sa propre parole et dire aux Américains que la démocratie, ce n'est pas le libre choix, mais le «bon choix» ? Et ça passe, personne ne relève. Personne ne relève le paternalisme, et que le choix des peuples ne peut-être qu'un choix de second ordre ? Et Trump ne pouvait, à leurs yeux, arguer des intérêts du peuple américain pour refuser la marche en avant de la globalisation. En bref et dans le langage politique de ma génération, Trump s'oppose au progrès, à la marche «naturelle» de «l'humanité» vers le gouvernement unique. Il propose des solutions du passé aux problèmes que reconnaissent les Merkel-Macron, mais qui seraient des problèmes du présent. Trump propose des solutions «réactionnaires» à ces problèmes. Vous avez remarqué comment les élites de l'Union européenne ont dégainé le concept de progrès pour désigner leur combat contre Trump ? On est en plain dedans. Pire que le Wahhabisme pour préparer les guerres, c'est l'idéologie du progrès. Aucun gouvernement n'a besoin de cette notion quand tout va bien. Il faut que les contradictions percent les plafonds ou les planchers pour reconnaître la réalité cachée des luttes et des contradictions. Cela va faire une belle série de contre alliances. Pour nous ça va être la guerre dans le désordre, sans la régulation américaine déjà mise en question par Merkel/Macron. Dans le désordre immanent des réalités sociales et pas dans celui de chaos téléguidé de Rice/Clinton. M. B.