Remise à plat : c'est ce à quoi il faut s'atteler en urgence, méthodiquement et rigoureusement. Ce serait un tort de mésestimer la gravité de ce qu'on appelle désormais : «L'affaire Boudjedra». Pas de banalisation, pas de capitulation face aux tenants de la sous-culture avilissante et leurs méthodes populo-fascistes pour terroriser et attenter à la dignité des personnes, quelles qu'elles soient. La fumisterie présentée comme une caméra cachée distractive de veillée de Ramadhan doit continuer à faire du bruit et dénoncée pour ce qu'elle est : une attaque en règle contre la tranche éclairée de la société, qui indique le chemin aux citoyens et porte la contradiction au pouvoir et, par-delà, à ce qu'il est désormais permis d'appeler la société politique. Ce n'est pas un hasard si le vecteur de cette agression contre l'écrivain est un média audiovisuel. Mais ce qui est produit dans certains titres de la presse écrite est à l'avenant et n'a rien à envier à la brutalité du discours diffamatoire porté par des chaînes de télévision privées. La différence, c'est que pour les sites d'information électronique traitant de l'Algérie, la saisine de la justice est difficile du fait de la non identification d'un directeur de la publication à ester devant un tribunal, alors qu'ailleurs c'est une obligation imposée. Quoi qu'il en soit, l'opprobre jeté sur sa personne s'est accompagné d'un regain de sympathie et de popularité pour l'écrivain. En témoigne le rassemblement organisé le 3 juin pour dénoncer le média qui a tendu un traquenard à l'auteur de la Répudiation, L'escargot entêté, Lettres algériennes, le Vainqueur de coupe… Fait très significatif, le conseiller à la présidence de la République, Saïd Bouteflika, était parmi les participants à la manifestation. Une présence qui n'a pas besoin d'être commentée tant elle incarne de fait une position claire : soutien à l'écrivain et condamnation des pratiques de la chaîne de télévision incriminée. Signe annonciateur ? Ça devrait l'être, à tout le moins. Une question se pose dans le sillage de l'agression contre l'auteur et féru des arts. Pour un Rachid Boudjedra brillant intellectuel mondialement reconnu et étudié, combien d'autres, simples citoyens ou cadres tétanisés par la terreur que veut inspirer la chaîne se font descendre en flammes dans le silence des élites et de l'autorité… de l'Etat. N'est-ce pas que la loi et l'Etat s'honorent, en principe, de défendre tout un chacun ? Si c'est le cas, alors il appartient aux pouvoirs publics de compléter le dispositif juridique encadrant en particulier les télévisions privées, mais aussi les sites d'information en ligne. Les premières doivent être organisées en tant qu'entités de droit algérien devant répondre dans tous les cas aux dispositions des lois algériennes. Les seconds doivent se conformer à la loi sur l'information, afficher leurs «mentions légales» de sorte qu'ils répondent de leurs écrits devant la justice quand des personnes sont mises en cause. A. S.