Il ne faut surtout pas se tromper sur le sens des propos du nouveau ministre de l'Industrie. L'industrie automobile naissante en Algérie a certes besoin d'une sérieuse reconfiguration de ses objectifs et d'une consolidation de son assise porteuse. Mais aussi, surtout, du courage d'affronter, en les vouant à la destruction, les faux dogmes qui la condamnent à végéter tant qu'ils persisteront. En un mot, toiletter le bébé sans le jeter avec l'eau du bain. Car une industrie automobile performante est une signature authentique d'un développement économique prometteur. Relativisons, donc. M. Mahdjoub Bedda, ministre en charge du secteur, sera davantage freiné par les présupposés idéologiques et dogmatiques que par des moyens en nette diminution. En pointant le manque d'intégration, encore à un niveau trop bas, il touche directement le nœud gordien du problème, un problème qui nécessitera de nombreuses années pour être surmonté. Il s'agit de la sous-traitance en amont de tout processus de production automobile. Autrement dit, d'un tissu d'équipementiers spécialisés dans la fabrication d'une grande diversité de pièces et accessoires entrant avec un fort pourcentage dans les éléments assemblés dans les véhicules sortis d'usine. Ce n'est pas une mince affaire, il va falloir à la fois combler le retard pris tout en encourageant un investissement dans la sous-traitance qui parait assez improbable dans les conditions économiques actuelles du pays. Ah, ces fameux dogmes à casser ! Secteur où les notions de précision et de qualité sont la cheville ouvrière d'une production aux normes à tout point de vue, l'Algérie a perdu les quelques acquis engrangés au lendemain de l'indépendance avec les véhicules qui sortaient en quantités modestes dans les ateliers Renault d'El Harrach. Autant dire qu'il va falloir pratiquement repartir de zéro et mettre les bouchées doubles pour rattraper le retard et être au diapason. Il ne faut pas se faire d'illusions, les Algériens seuls ne pourront pas y faire face, car insuffisamment équipés et expérimentés. Le Maroc voisin, devenu très compétitif dans l'industrie automobile a mis une quinzaine d'années pour être au niveau où il est aujourd'hui. Les «Hubs» de Tanger en particulier interviennent en amont dans la production annuelle de près de quatre cent mille automobiles destinées en majeure partie aux marchés étrangers. Et les exportations y sont bien réelles, belles sources de devises qui serviront à financer l'importation de matières premières et d'équipements qui ne sont pas encore produits localement. Il est vrai que là-bas, l'investissement est débarrassé des contraintes qui le handicapent encore en Algérie et que la règle des 51/49 avec les partenaires étrangers n'est pas édictée et qu'elle ne sert pas de paradigme patriotique. Assistera-t-on, à brève échéance, à un sursaut du gouvernement à travers une redéfinition de l'acte d'investir qui ne devra obéir qu'à une logique de rationalité économique ? Etant par ailleurs entendu que rien ne devrait s'opposer à ce que des investisseurs soucieux d'ajouter une plus-value patriotique à leur activité le fassent en toute liberté ? Tout est encore possible en Algérie. L'industrie automobile, montage et fabrication, peut être promise à un bel avenir pour peu que le taureau soit pris par les cornes et qu'on arrête de confondre l'acte d'investir et produire avec des orientations de commissariat politique. A. S.