Regardez, il s'est exactement écoulé trois ans pile poil depuis qu'un retournement du marché pétrolier en forme de séisme catastrophique a bouleversé jusqu'à la petite économie de bricolage de l'Algérie. Mais pas seulement. D'autres pays producteurs d'or noir, et parmi les plus grands, à l'instar du Venezuela et du Nigeria, vivent des situations de chaos politique et un climat frôlant l'insurrection. Si l'Algérie a tenu vaille que vaille pendant ces trois années, paradoxalement, elle le doit au pétrole sauveur. L'embellie financière avait, certes, ouvert les vannes de la dépense publique au profit du privé. Mais les réserves de change étaient relativement élevées, autour de 200 milliards de dollars, et comme la boulimie dépensière et le prix payé pour la paix sociale ne les avaient pas asséchées, elles ont amorti les chocs qui, en d'autres circonstances, auraient déversé les foules dans la rue. L'un dans l'autre, l'Algérie - on peut le dire- s'en est assez bien sortie. Les plus éclairés parmi nos dirigeants qui ne développaient pas un discours lénifiant et populiste, mettaient cependant en garde contre le cap 2018. C'est toujours par rapport au matelas des réserves de change qui, après l'épuisement du Fonds de régulation des recettes, risquerait d'être victime de la même tendance à cette date. «Que faire ?», écrivait Lénine confronté à des choix décisifs pour le présent et l'avenir. La question, tout au long de ces trois ans, on se l'est aussi posée en Algérie. Lénine, lui, avait fait suivre la première interrogation d'une autre, subsidiaire : «Comment faire ?» En Algérie, on a plutôt fait l'économie de ce type de débat, pourtant essentiel. Ou alors à peine si la problématique de la riposte a été évoquée, noyée dans les déclarations de… déni de crise et de lendemains qui chanteraient toujours. Les trains de mesures drastiques du cabinet Tebboune sifflent fort et indiquent bien ce qu'ils indiquent. La crise économique et financière qui frappe le pays est des plus sévères et risque de le mettre sur la paille si… Si on continuait à privilégier l'approche populiste et démagogique tout en laissant les choses en l'état. Trois ans plus tard, il faut avoir le courage de reconnaitre que nous comptons toujours sur le pétrole, parce que rien n'est venu jusqu'à présent, en dehors des palabres et discours rassurants, indiquer que l'économie commence à produire et fonctionner en comptant sur d'autres ressources que celles procurées par les hydrocarbures. La fin du pétrole cher aurait dû normalement sonner le glas de l'esprit rentier et de la sclérose mentale, deux ennemis jurés et mortels de la conscience productiviste. Quelque part, en Algérie aussi, on devrait décréter le passage du féodalisme politique, économique, culturel et social vers un productivisme qui projetterait l'Algérie sans attendre, et en brulant les étapes, vers les rivages de la post modernité industrielle et intellectuelle. A. S.