De notre correspondant à Béjaïa Kamel Amghar Une nouvelle culture de récupération des déchets solides commence à faire sérieusement son chemin à travers l'ensemble du territoire de la wilaya de Béjaïa. L'importance économique de ce filon juteux incite de plus en plus de sous-traitants privés à s'y investir pour le compte de grands groupes industriels de la région est du pays. Le papier, les métaux, les matières plastiques sont systématiquement récupérés, stockés et acheminés vers des sites de production afin d'être recyclés, et servir ainsi de matière première pour fabriquer des produits neufs. Des centaines de camionnettes sillonnent quotidiennement toutes les communes et tous les villages pour acquérir ces objets hors d'usage auprès des particuliers moyennant quelques pièces de monnaie. Les enfants, dans les centres urbains comme dans la zone rurale, se font un plaisir de «fourguer» ce genre de déchets pour se faire de l'argent de poche. Un kilogramme de fer est cédé à 5 DA. 15 DA pour la même mesure de plastique. Les ménages profitent aussi de l'aubaine pour vider leurs greniers. Les vieux lits métalliques, les garde-fous rouillés de l'escalier extérieur, les cuisinières et les réfrigérateurs irréparables sont ainsi pesés et vendus à domicile. Même les décharges publiques n'échappent pas à cette frénésie «récupératrice». Des nuées d'adolescents y font souvent un tour pour dénicher de «précieux» bouts de métal ou des emballages perdus en plastique. Les alentours des ateliers de ferronnerie, de mécanique auto ou de soudure sont systématiquement prospectés. Les commerçants sont aussi sollicités pour reprendre les emballages en carton ondulé que l'industrie locale du papier transforme en plateaux pour les œufs et autre type de conditionnement de second choix. Les métaux, notamment le fer, sont acheminés en dernier ressort sur le complexe sidérurgique d'El Hadjar à Annaba. Le plastique, quant à lui, est écoulé à la zone industrielle de Sétif, connue à l'échelle nationale pour son savoir-faire en la matière. Des réseaux de ramassage, des aires de stockage et une organisation hiérarchisée se sont déjà naturellement constitués. En plus de son intérêt purement économique, cette nouvelle approche, qui accorde au déchet une valeur financière comme n'importe quel autre produit de consommation, a aussi des implications positives pour la protection de l'environnement et l'amélioration du cadre de vie des citoyens. Les pouvoirs publics, le mouvement associatif et les comités de villages ou de quartiers gagneraient beaucoup à s'impliquer pour prêter main-forte à cet effort salvateur. Il convient aussi d'organiser davantage cette filière afin de quantifier son travail et donner plus d'efficacité à son intervention. Dans certaines communes, comme celle du chef-lieu de wilaya, les services municipaux d'hygiène s'apprêtent à se lancer dans le tri des ordures. «Un schéma de tri et de récupération des déchets est en préparation. Il sera lancé à la fin de la saison estivale. Tous les quartiers de la ville seront dotés de poubelles spéciales pour chaque type de déchet. Nous comptons introduire cette nouvelle approche en sensibilisant au préalable les citoyens du bienfait de cette nouvelle organisation. Une campagne d'information et d'explication sera incessamment entamée à cet effet», annonce Sadek Aïssanou, vice-président de l'APC de Béjaïa, qui se charge de ce dossier. Une idée positive qui doit s'étendre pour toucher 51 communes restantes de la wilaya. L'université de Béjaïa a abrité récemment un premier séminaire sur cette question précisément. Les spécialistes avaient alors estimé que l'Algérien produit quotidiennement une moyenne de 0,75 kg de déchets solides avec des pics de 1,2 kg/jour pour les grandes villes, comme Alger ou Oran. A Béjaïa, la moyenne est de 0,53 kg/jour/habitant, représentant une masse totale de 100 tonnes de déchets solides, dont 73% de matières organiques (biodégradables), 7,4% de papier, 2,5% de plastique, 1,9% de métaux divers et 0,96% de verre. A travers ces chiffres, on retiendra que la valorisation des déchets est d'une importance non négligeable pour l'économie, mais aussi et surtout pour la préservation de l'environnement. Il convient donc, pour un premier temps, de soutenir et d'encourager cette nouvelle dynamique de récupération des déchets qui sert l'industrie nationale déjà existante. Et de réfléchir ensuite à exploiter les matières organiques dans la production de l'énergie et des engrais, comme c'est le cas dans les pays développés.