De notre correspondant à Béjaïa Kamel Amghar Le Théâtre régional de Béjaïa a présenté, dans la soirée de jeudi dernier, la générale de sa dernière production, intitulée El Houras (les Vigiles). Une adaptation en arabe dialectal du roman éponyme de Tahar Djaout. Omar Fetmouche, qui a assuré l'écriture du récit dramatique et sa mise en scène, préfère, quant à lui, parler d'«une exploitation scénique de l'œuvre romanesque». Le spectacle raconte les pressions multiples et les déboires bureaucratiques rencontrés par un inventeur qui tenait à breveter sa découverte dans son pays. Découragé par une administration archaïque et suspicieuse, le savant a été finalement contraint de vendre son projet à l'étranger pour -comble de l'ironie- mériter a posteriori la reconnaissance de sa propre patrie. Morale : nul n'est prophète en son pays. Une fois sa notoriété bien établie sous d'autres cieux, Lemjad, en chercheur brillant, a été paradoxalement reçu avec des lauriers. A ce moment même, Menouar Ziyada, citoyen modeste et ancien maquisard, accablé de toutes les tares de la bureaucratie, a été poussé au suicide pour racheter les bêtises et l'incompétence de ceux-là mêmes qui ont condamné le génial scientifique à l'exil. La fuite des cerveaux, l'émigration, la crise morale et éthique dans l'exercice des mandats publics, l'immobilisme des tenants de la décision politique, la dilution de la responsabilité, la rente et la corruption sont autant de problématiques traitées dans cette pièce d'une heure et demie. Jouée devant une salle comble à la maison de la culture de Béjaïa, El Houras a manifestement gagné les faveurs du public local qui n'a cessé d'applaudir la prestation époustouflante de la troupe. Ils étaient une dizaine de comédiens (dont quatre filles) à en assurer la distribution. Scénographie parfaitement exécutée, tableaux chorégraphiques harmonieux, musique de bonne facture, les impressions des hôtes de cette générale sont globalement élogieuses. Le metteur en scène (Omar Fetmouche) et ses deux assistants (Farid Cherchari et Ahcene Azezni), le scénographe Abderrahmane Zaaboubi, le compositeur (Bazou) ont été salués au passage. La famille et les amis de Tahar Djaout, présents à cette occasion, étaient visiblement satisfaits du résultat. Le spectacle, qui se décline comme un hommage à tous les intellectuels algériens assassinés durant la décennie rouge, sera présenté au TNA à la fin de ce mois de mai. Brahim Tazaghart, écrivain d'expression amazighe, planche déjà sur une seconde adaptation de la pièce à la langue de Si Mohand U Mhand. Dans l'après-midi de jeudi dernier, le café littéraire de la maison de la culture Taous Amrouche de Béjaïa a été consacré à la vie et à l'œuvre de Tahar Djaout. Hommes de lettres, universitaires et journalistes en ont profité pour célébrer le génie créateur de l'auteur de l'Exproprié. Ahmed Tessa, Nadia Djaout, Marcel Bois, entre autres, ont vu en lui «un porteur de lumières pour les générations futures».