De son vivant, lorsqu'il évoquait le «tout ou rien», ce radicalisme bien algérien, le moudjahid et démocrate Slimane Amirat, établissait un renversant parallèle avec les «sauvages de la Louisiane». Le regretté «Da Slimane» disait alors que les «sauvages de la Louisiane», pour cueillir une orange, arrachaient carrément l'arbre. Il en est ainsi de l'idée bien noire consistant à préconiser de «mettre au frigo» les compétitions de football en organisant, en Algérie, un «championnat à blanc». Les partisans de cette thèse «révolutionnaire», qui forment un club d'adeptes à la foi patriotique et démocratique sans doute sincère, se recrutent à la Fédération algérienne de football, dans les clubs de l'élite, au sein de la presse et même au ministère de la Jeunesse et des Sports, tutelle se voulant bienveillante et neutre. Cette idée censée faire avancer le «schmilblick» du football algérien, a aussi, heureusement pour le débat contradictoire, ses opposants. On en trouve d'ailleurs dans les medias, le Comité olympique et à la tête de certains clubs de première division. Les préconisateurs de ce plan, une «nécessité» pour faire face aux «dysfonctionnements graves» du football, selon les supporters les plus enthousiastes de l'idée, évoquent un «championnat à blanc comme phase transitoire pour le redressement du football». Il y en a même qui ont de la suite dans les idées pour proposer d'organiser ce championnat virtuel «pour 3 ans mais dans 4 ans». Comprenne qui pourra. Leurs arguments, du meilleur tonneau, sont d'une extrême générosité. Il s'agit tout simplement de permettre aux pouvoirs publics et au mouvement sportif de «réfléchir en commun». Sacrés Algériens qui, pour réfléchir, doivent arrêter l'horloge du temps et le mouvement de l'histoire… du football. Le ministère, qui respecte le libre arbitre de la fédération, trouve à l'idée des vertus pédagogiques : «un championnat à blanc servirait la formation et le foot algérien, dans le cas où la FAF choisirait cette option». En sport comme dans d'autres domaines, nos compatriotes ont souvent de vraies fausses bonnes idées. La pureté de leur dessein n'est pas en cause et ce n'est même pas le propos. Mais depuis le Messie, on sait que l'enfer est pavé de bonnes intentions. Et, assurément, quelque chose ne tourne plus rond dans le royaume de la balle sphérique. Le projet d'un «championnat à blanc» porte les germes d'un programme schismatique qui, s'il était appliqué, diviserait la famille du football et ferait entrer le foot algérien dans une période indéterminée de régression inféconde. Et passons sur les conséquences négatives immédiates sur la progression du niveau de jeu, la condition physique, la préparation des sélections, le classement FIFA, la perte d'argent pour les clubs que bouderaient alors les sponsors. Et quid alors des financements de substitution ? Aspirine administrée pour soigner un cancer, dans le meilleur des cas un remède de carabin, le projet de «championnat à blanc» est avancé alors que l'Algérie n'a plus participé à une coupe du monde depuis 1986. Et alors même que notre pays n'a plus gagné une coupe d'Afrique des nations depuis 1990, l'équipe nationale a connu, en 46 ans, 34 sélectionneurs. Sans compter que pour se préparer aux tours qualificatifs pour les coupes de la FIFA et de la CAF, les Verts se préparent dans des conditions où l'artisanal le dispute au folklorique. Sans compter aussi que les grandes villes n'ont pas de stades dignes de ce nom et que ceux qui existent, sont en nombre bien insuffisant et ne répondent pas souvent aux normes exigées pour des compétitions internationales. A l'exception de l'Afghanistan des taliban qui ne tolèrent que le football en pantalon dans les vallées improbables du Panshir, peut-être de l'étonnante Libye, aucun pays n'a organisé de «championnat à blanc». Pas même l'Irak où le championnat de football, créé à partir de 1974, n'a pas été interrompu ou s'est déroulé «à blanc». Même pas une seule fois. Mieux, même la guerre contre l'Iran, les deux conflits du Golfe et les attentats terroristes et récurrents d'Al Qaïda n'ont pas incité les dirigeants irakiens à réfléchir à un «championnat à blanc». Le championnat de l'élite est organisé en trois groupes géographiques de 24 clubs. Et malgré les Ben Laden et consorts terroristes, l'Euphrate du foot suit son cours à Baghdad, à Najaf, à Irbil et dans d'autres contrées difficiles. Mieux, le ballon irakien tourne rond et la sélection nationale a remporté, en 2007, de fort brillante manière, le championnat d'Asie. En Irak, la situation est «noire» mais les idées des dirigeants du football irakien ne le sont pas. N. K.