Photo : A. Lemili De notre correspondant à Constantine Nasser Hannachi Les repères inhérents à chaque ville résident souvent dans son édifice construit à travers les siècles. Constantine détient le sien : la vieille ville. C'est la place par excellence de toute métamorphose dans la cité millénaire. Après un massacre jugé abusif et aléatoire ayant exterminé quelques-unes de ses bâtisses sous un faux-fuyant «menace de ruine», les pouvoirs publics ont relancé de plus belle un intérêt particulier pour ce site, question de le sauver. Cependant, il a fallu attendre huit années après la promulgation de la loi 98-04 du 15 juin 1998 relative à la protection du patrimoine culturel pour voir la médina bénéficier de cette «immunité» somme toute logique étant donné le panorama qu'offre le site. Et comme les secteurs sauvegardés sont dotés «d'un plan permanent de sauvegarde et de mise en valeur tenant de plan d'occupation des sols», un bureau d'études sera créé en 2007 pour offrir une perspective quant à la restauration de la vieille ville. «L'objectif de cette démarche étant de fournir des éléments d'orientation pouvant guider la construction d'une méthodologie d'approche soucieuse aussi bien de la conservation du bâti ancien que de sa réhabilitation et sa requalification au sein de la ville entière. Et ceci, aussi bien, du point de vue physique que socio-économique.» Lancé en 2007 à la demande de la direction de la culture sous forme d'appel d'offres, et visant par-dessus tout à mettre un terme au processus de dégradation de la vieille ville de Constantine, le plan permanent de sauvegarde et de mise en valeur de la vieille ville de Constantine (PPSMVSS) a livré sa première phase d'études en mai dernier. Il s'agit d'une méthode de mesures d'urgence adaptées en grande partie à la médina qui continue d'endosser les bêtises humaines. Le diagnostic élaboré soulève plusieurs facteurs ayant conduit à la dégradation de ce bâti dont le vieillissement des constructions et de leurs matériaux et, de l'autre, le réseau d'assainissement, les gravats et constructions en ruine. En parallèle, on pointe le doigt sur les occupants et la commune qui recourent à la démolition affectant au passage quelques «vestiges» sans se rendre compte de l'importance historique du site, en dépit des voix élevées par quelques associations de la société civile. En ce qui concerne le premier coup d'envoi effectif de l'opération de restauration et de réhabilitation, il a été étrenné par l'avenue Mellah Slimane (Souika), projet lancé d'abord par l'université de Constantine puis repris par la wilaya. Epousant une forme d'expérimentation du processus, il a atteint un taux d'avancement de près de 75%. Il a été question de rénover les conduites d'alimentation en eau potable, soit la défaillance technique qui aura mis la médina en péril en raison de la vétusté des canalisations. Car, à l'exception de quelques tronçons qui ont été rénovés, le réseau reste vétuste et ce, à cause, soit du vieillissement, soit de l'absence d'entretien. Aussi, selon l'étude on révèle que «30% des maisons des parties haute et centrale du secteur sauvegardé souffrent d'une infiltration des eaux usées». Douze fontaines sur les dix-neuf existantes ont simplement disparu. Quant aux puits et madjens (eaux de pluie) ils sont obstrués. «Si l'on a pris le soin d'apporter un lifting à l'avenue Mellah Slimane, cela n'est pas fortuit étant donné qu'elle est considérée comme une rue structurante de la Souika. En plus de sa vocation commerciale», consigne le bureau d'études, indiquant que «cette rue a su conserver son caractère résidentiel malgré les aléas du temps et les différentes civilisations». Sous un autre aspect, plus architectural, Mellah Slimane «se distingue par sa richesse patrimoniale». La bande sauvegardée de la ville de Constantine, qui s'étend sur une superficie de 85 ha, comprend la partie nord nord-est qui englobe les gorges du Rhumel, les escarpements rocheux sis au nord-ouest, le centre culturel Mohamed Laïd El Khalifa implanté à la place du 1er Novembre 1954 et le quartier Bardo. La première phase du diagnostic fait ressortir que, sur les 1 144 constructions recensées par le PPSMVSS, 133 bâtisses sont en bon état, 312 en état moyen et 575 constructions dégradées, cantonnées dans la partie traditionnelle du secteur (zone 3), selon le découpage du secteur de sauvegarde sérié en 5 zones homogènes. Ainsi, un plan engagé dans le cadre du plan d'urgence, diffèrent selon le degré de dégradation d'urgence spécifique, est enclenché pour préserver la basse Souika. Le plan d'urgence, qui, lui, est spécifique, selon l'analyse du bureau d'études ayant chapeauté l'œuvre, préconise de prime abord une sécurisation du quartier, une évacuation de la population afin d'étayer les bâtisses encore debout. Aussi, il est recommandé d'évacuer les gravats des maisons partiellement en ruine et de démolir les constructions illicites. Souika est une zone où des constructions se sont effondrées et d'autres partiellement menacées d'effondrement ; seules quelques-unes subsistent. «Sur un total de 3 232 parcelles, 115 seulement sont occupées par des constructions encore en l'état», mentionne le rapport remis à la direction de la culture et à la willaya. Maintenant que les contours de la prise en charge du bâti sont délimités par une méthodologie d'approche, il reste à prendre attache avec les professionnels de la restauration pour qu'ils y apportent leur touche adroite. Dans ce contexte, on demeure à l'état de concertation avec beaucoup d'entre eux, dont des étrangers, en vue de dégager un partenariat qui fera en parallèle bénéficier des artisans locaux pour d'une formation en atelier comme c'était le cas initialement concernant la restauration de l'avenue Mellah Slimane. La dernière visite remonte au mois de juin dernier avec la venue du groupe multinational d'architecture Euromed qui avait zoomé le site dans sa globalité (gorges du Rhumel, Souika, Bardo). Souika et Bardo sont les deux nouveaux pôles d'attraction à Constantine. Si le premier a valu un dossier volumineux après l'étude italienne en 2003 et sa fiabilité quant à ériger autant de… châteaux de cartes, (voir encadré), le second, c'est-à-dire le Bardo, qui a été vidé, ou presque, de ses taudis et de ses constructions jouxtant «l'utilité publique», il n'en demeure pas moins qu'un séminaire international lui a été consacré, le workshop, soit un aperçu de la future vocation de ce site de la convoitise. N. H. Master plan, esquisse de châteaux de carte ! ! A vrai dire, la problématique de réhabilitation de la médina avait pris effet avec la fameuse étude italienne, intitulée master plan. Ce partenariat, qui a associé les compétences des deux pays en la matière avait en fait livré un rapport qui est resté inexploité. Pourtant, les prérogatives initiales de cette coopération visaient des objectifs bien déterminés. Pour évoquer le cas de Souika, il a été proposé la création d'une nouvelle passerelle piétonnière enjambant les gorges du Rhumel, depuis le parking à étages (toujours en construction) et le rocher, pour faciliter l'accessibilité à la rue Mellah Slimane, la réalisation de voies piétonnes, d'un théâtre en plein air, de jardins et d'infrastructures touristiques dans la partie basse de la Souika. Autant d'esquisses qui ont précédé l'opération de réhabilitation. On serait en mesure d'avancer que l'on a mis la charrue avant les bœufs… dès lors que la vieille ville est en train de subir encore sa 1re phase de restauration. Toutefois, selon certaines sources, on évoque que les Italiens ont fait un travail remarquable en détaillant à l'aide de cartographies chaque espace du site, une démarche fort importante qui aura servi de prélude à d'autres études. Du moins, ce que l'on retient de ce master plan, c'est que, d'un côté, la vieille ville ne ressemblera pas à Rome, et l'on craint de l'autre qu'elle ne perde de son authenticité. La livraison de la première tranche «pilote» de l'avenue Mellah Slimane renseignerait sur le professionnalisme adapté.