Le Théâtre national algérien (TNA) a présenté mardi dernier la générale de sa nouvelle production El Ghoutia, mise en scène par Islam Mohamed Abbas et écrite par Hocine Taileb. Le rideau se lève sur les rythmes de musique orientale et des silhouettes qui se meuvent en ombres chinoises au fond de la scène. Puis les lumières éclairent l'intérieur d'un salon baroque où les dorures des meubles se confondent avec les couleurs écarlates du velours et de la soie. Majestueuse, enveloppée de froufrous et de voiles, Ghoutia, sensuelle, apparaît, interprétée par la jeune comédienne Mounira Nouara qui, malgré le trac de la débutante, a su captiver le public présent tout au long de la pièce. Danseuse de cabaret de luxe, candidate sur une liste favorite aux élections parlementaires précédentes, l'héroïne a vu sa carrière politique brisée suite à un complot. A la veille des résultats, elle s'est retrouvée incarcérée pour complicité dans un meurtre commis dans sa villa et création de lieu de débauche et de prostitution. De retour dans sa somptueuse demeure, elle retrouve son fidèle domestique, un travesti, rôle de composition interprété avec brio par le jeune Hamiani Mohamed. Ghoutia est sollicitée par Si Barghout (Touati Sayeh Samir), journaliste spécialisé dans la presse à scandale pour une longue interview. Il l'assure qu'il est convaincu de son innocence car elle a été victime d'une machination abjecte, puisque celui qui a été tué n'est autre que la tête de liste où était également inscrite Ghoutia. Cette dernière, consciente que le journaliste est plus attiré par l'appât du gain de la publication d'un livre sur un scandale sociopolitique que de transmettre l'information aux lecteurs, accepte néanmoins de travailler avec lui. Elle veut avant tout se venger de la trahison de ses ex-maris, qui, grâce à la corruption, la drogue et la prostitution, sont devenus des hommes politiques influents, en publiant ses mémoires, à un mois des élections, «car tout se meurt sauf la mémoire qui reste la meilleure arme pour rétablir la vérité». Sitôt la nouvelle de la publication de ce brûlot connue, la danseuse voit défiler chez elle ses anciens compagnons qui tentent de la dissuader de poursuivre l'écriture de ses mémoires, car chacun veut garder son poste et son statut dans les hautes sphères politiques. La pièce dissèque en fait ce monde politique marqué par l'hypocrisie et les manipulations politiques et où tous les coups sont permis. Il y a également une dénonciation des faux-semblants, car, en dehors de Ghoutia, nul n'est vraiment ce qu'il prétend être. Il est à saluer la pertinence de la mise en scène d'Islam Mohamed Abbas, tant dans la direction des comédiens que dans la rigueur de l'utilisation des différents outils scéniques. Au final, le public est surpris par le dernier tableau de la pièce marqué par le duel entre les deux ex-maris et la prise de position du domestique de Ghoutia. Au tomber du rideau, une standing-ovation salue la performance de toute la troupe qui a su captiver pendant près d'une heure et demie les spectateurs réagissant soit par des rires, soit par des applaudissements aux passages les plus comiques et aux répliques les plus pertinentes. S. A.