Photo : S. Zoheir Par Samir Azzoug «Ce n'est pas parce qu'on est croyant et pratiquant qu'on devient insensible à l'amour. Bien au contraire. Notre raison d'être est l'amour du prochain. C'est dans la pratique, seulement, que ça diffère», explique, amusé, Mehdi. Cheveux coupés très ras, yeux noirs en forme d'amande, barbe abondante et moustache rasée, l'archétype du salafiste bien dans sa peau, vêtu d'un long qamis immaculé. De l'amour et de la romance, Mahdi parle avec aisance, sans complexe. «À l'âge de 21 ans, j'ai connu une fille à l'université. J'étais fou d'elle. Rien qu'à la regarder, j'avais envie de pleurer. Elle ne portait pas le voile, et cela ne me gênait pas. Elle avait une âme saine», se rappelle-t-il. «À l'époque, j'étais la risée de mes amis. Les uns me traitaient de joli cœur, les autres de complexé et d'autres encore de faux frèro. Ils n'arrivaient pas à admettre qu'on puisse être à la fois conservateur et vivre pleinement sa jeunesse. C'est seulement une affaire d'équilibre à tenir pour mettre en adéquation ses convictions et ses sentiments», poursuit Mehdi. Selon lui, avoir ce sentiment d'amour pour une femme, la vouloir pour soi et espérer son amour en retour n'ont rien d'illégal. «Il y a seulement des règles à respecter.» Les fondamentaux de ce genre de relation, tel qu'expliqués par Mehdi, sont : ne pas s'isoler avec la fille, ne pas avoir de contact physique et ne pas nuire à sa réputation. Revenant sur son idylle, le jeune homme raconte : «Grâce à des amis communs, j'ai réussi à faire la connaissance de la fille dans l'enceinte universitaire. On a parlé, assis côte à côte, en gardant un espace convenable entre nous, des heures entières, plusieurs jours d'affilée. L'amour a grandi et est devenu partagé. Un amour sain [platonique] et sublime.» Au bout d'un mois, Mehdi se présente à la famille de son amoureuse. «Son père me demande de patienter pour les noces, qu'elle termine ses études. Attendre deux ans, cela m'arrangeait car je devais commencer ma carrière professionnelle et faire mes preuves. Au départ, il avait l'air surpris. Issue d'une famille moderniste, il ne comprenait pas que sa fille cool accepte de se marier avec un barbu. Mais devant l'insistance de sa cadette et en voyant que la famille dont je suis issu est aussi ouverte d'esprit, le père finit par accepter.» Pendant deux ans, «je rencontrais ma promise soit chez moi, en présence de mes sœurs, soit chez elle sous l'œil des siennes ou alors j'organisais des sorties toujours en compagnie d'une tierce personne de ma famille ou de la sienne». Jusqu'au jour où le bonheur arriva. «Le mariage s'est passé comme je le voulais. Ma femme a fait une cérémonie grandiose, dans une salle des fêtes avec chanteuse, robe blanche et tout le reste. De mon côté, j'ai fait une réception sans grand bruit, dans le calme. Un dîner pour les hommes et des chants religieux pour les femmes de la famille.» Trois années plus tard, Mehdi qualifie sa vie conjugale d'idyllique. «Il y a bien les difficultés quotidiennes. Mais dans l'ensemble, j'aime bien ma vie et beaucoup ma femme.»