Photo : S. Zoheir De notre correspondant à Tizi Ouzou Lakhdar Siad Les SDF (sans domicile fixe) ont faim et froid en hiver. Parce qu'il n'est pas possible de vivre sans toit, d'être traité comme tel ou s'appeler ainsi et vivre au chaud et manger à sa faim. Celà est sans doute valable pour les SDF du monde entier. Cela est aussi et surtout prévisible pour les pays développés qui ont eu affaire à cet épiphénomène social grave depuis plusieurs décennies sinon une histoire, une bibliographie dans l'apparition, l'étude et la prévention des problèmes de cette frange marginale et marginalisée autrement difficile à circonscrire et à prendre en charge avec les moyens classiques. Les discussions sur les SDF et les moyens de les protéger, au moins du pire, sont récentes dans notre société. Comme sont récentes dans les localités de la région de Kabylie et ses chefs-lieux urbains les scènes de femmes avec enfants sur un bout de carton d'emballage réservé le matin à l'entrée ou sur l'esplanade d'un établissement public, ou bien encore ces hommes perdus au regard absent ou interrogatif qu'on voit dormir dans les cages d'escalier ou sous les préaux d'immeubles en construction de la ville de Tizi Ouzou. Si les SDF choquent et sont loin de ressembler à ce qu'on dit sur les ressorts de solidarité qui sont propres à la collectivité ancienne, rares sont, pourtant, les individus nantis, riches patrons, qui consacrent un peu de leur argent ou même un peu de leur temps à cette catégorie qui assombrirait tout bonheur vécu en famille ou en masse si l'on pouvait mesurer l'ampleur de son désespoir. Non-assistance à personnes en danger ? Qui ? Délicat de situer les responsabilités, même si celles-ci sont dans tous les cas partagées. Et que les SDF sont dans tous les cas des victimes d'un système, d'un groupe, d'une situation économique, etc. D'autant que les SDF qu'on voit vagabonder le jour et se recroqueviller dans un coin le soir à Tizi Ouzou sont a priori un ensemble de personnes qui ne seraient pas en possession de leurs capacités mentales ou physiques, donc, qui mériteraient en premier lieu une prise en charge médicale spécialisée. Parmi ces SDF, il y a des malades mentaux qui se seraient échappés des structures psychiatriques du pays et des femmes qui se retrouvent à la rue au bout d'un mariage chaotique et violent et achevées par le rétrograde code de la famille. L'an dernier, pendant l'hiver, 28 SDF, dont quatre femmes, ont été recensés à Tizi Ouzou et, en 2007, à la même période 37 SDF étaient recensés et signalés par le Croissant-Rouge local (CRA) pour s'en occuper en collaboration avec la DAS (Direction de l'action sociale). Les responsables du Croissant-Rouge soulignent souvent le refus de ces personnes fragiles d'être placées dans le centre d'accueil pour personnes âgées de Boukhalfa. Les mêmes directions ont noté que 90% de ces SDF sont de sexe masculin. Comme d'habitude, le Croissant-Rouge essaie de porter secours à ces SDF avec les moyens dont il dispose, à savoir renouveler l'opération de distribution de couvertures et de nourritures chaude acquises grâce aux dons de quelques entreprises publiques et privées de la région. Pour rappel, le ministre de la Solidarité nationale, de la Famille et de la Communauté algérienne à l'étranger, M. Djamel Ould Abbes, avait demandé il y a quelque temps à la population et aux associations d'orienter les SDF vers les 36 centres pour personnes âgées (150 pour chacun en moyenne) répartis à travers l'Algérie tout en réaffirmant que «l'Etat a les moyens de prendre en charge les sans-abri aux côtés des personnes âgées». Cependant, il reste beaucoup à faire pour cerner la question des SDF et leur épargner au moins pour le moment les autres effets du terrorisme et de la dégradation des conditions de vie des Algériens depuis les deux dernières, décennies, telles que la violence et l'insécurité. Sinon, une prise en charge pluridisciplinaire paraît la plus indiquée pour atténuer la souffrance de ces autres… incompris de la société moderne.