Lorsque les autorités françaises ont décidé, la veille du 13 février 1960, d'effectuer les essais nucléaires à Reggane, elles n'ignoraient rien des effets désastreux que les radiations de la bombe pouvaient provoquer sur l'homme. Et pour s'en rendre compte, les responsables français avaient utilisé, du moins pour l'opération suivante (la Gerboise verte, qui s'est déroulée le 25 avril 1961) des militaires comme cobayes. C'est du moins ce que vient de confirmer un «document confidentiel» du ministère français de la Défense, rendu public hier par le quotidien français le Parisien, aujourd'hui en France. Selon le rapport, dont l'origine remonte, selon les médias français, à 1998, date à la quelle le président Jacques Chirac a mis fin de manière définitive aux essais nucléaires, il s'agit d'«expérimentations tactiques». Leurs noms de code sont Garigliano pour les fantassins, Bir Hakeim pour les chars. Il s'agit d'«exécuter […] deux manœuvres dans un cadre offensif et une dans un cadre défensif» afin d'étudier «la réoccupation d'une position touchée par une explosion nucléaire». 300 personnes y prennent part, essentiellement des appelés issus de régiments situés en Allemagne, 42e RI et 12e régiment de cuirassiers. L'objectif de ces essais est très clair : «Etudier les effets physiologiques et psychologiques produits sur l'homme par l'arme atomique.» Plus grave, le document affirme que les hommes chargés des «expérimentations» se tenaient seulement à… 275 mètres de l'explosion de la bombe. Puis, ajoute le document, les masques à gaz, qui devaient être utilisés pour protéger les militaires, étaient remplacés par des masques à poussière qui ne pouvaient pas faire grand-chose. Pour les essais souterrains, il est décidé que lors d'«un travail en atmosphère contaminée, l'autorité responsable peut autoriser les travailleurs à ne pas porter le masque […] et leur faire inhaler en un jour, à titre exceptionnel, ce qui est normalement autorisé en trois mois». Les militaires se réservent le droit d'«autoriser un court séjour sans précaution spéciale, même en zone interdite». Quant à la puissance des bombes, elle reste totalement aléatoire. Pour Gerboise verte, «son énergie n'est pas connue avant le tir», indique le document. Là, il ne s'agit que de militaires français. Qu'en est-il de ces centaines d'Algériens qui vivaient autour de la zone et sans protection ? Des dizaines d'entre eux ont attrapé des maladies extrêmement rares et mortelles. On ne peut imaginer pire, puisque l'explosion de la bombe a contaminé au moins un territoire d'une superficie de 150 km à la ronde. Et des populations vivent à tout juste quelques mètres du site. Si, pour le moment, les autorités françaises, à leur tête le ministre de la Défense, Hervé Morin, ne veulent pas se prononcer et promettent que «toute la lumière [sera] faite» autour de cette question, ce document est une nouvelle preuve des atrocités commises par l'armée française, à travers ces essais nucléaires qui se sont poursuivis au Sahara algérien jusqu'en 1966. A. B.