L'exotisme et toute l'originalité propre à l'Orient étaient au rendez-vous samedi soir dernier à la salle Ibn Zeïdoun et cela grâce à la remarquable prestation de l'ensemble musical métissé Badila. Le concert a été organisé par l'Agence algérienne pour le rayonnement culturel (AARC) dans le cadre de son programme axé sur la découverte des nouvelles musiques d'Orient. Avec un prix symbolique de 300 DA l'entrée, le public s'est manifesté en nombre. Manifestement curieux, les spectateurs guettaient avec impatience l'apparition du groupe sur scène. Sous un faible éclairage, une sorte de petit salon style quaada est aménagé sur scène. Les instruments en place laissent deviner l'origine du son attendu. Les quatre musiciens apparaissent enfin en tenues traditionnelles de l'Inde et d'Iran, leurs régions respectives. Seul le percussionniste, Bastien Laggata, est habillé d'une chemise noire. Le chanteur Rajasthani donne le ton avec une intro a cappella. Sa voix puissante et captivante emplit la salle de sonorités de la région de Jaisalmer en Inde. L'ensemble rejoint le chanteur. L'accompagnement musical est en fait pluriel. Chaque musicien développe le thème d'ensemble sur une trame reflétant son identité. La voix est le liant. Le souffle du ney, les vibratos du oûd et les percussions se croisent et se mêlent autour de la voix. Le chanteur exécute des prouesses vocales gratifiées par de chauds applaudissements. Après ce premier morceau, les musiciens sont rejoints par la danseuse Ava. Vêtue d'un sari rouge, elle fait une entrée remarquée. Avec grâce et sensualité, elle se meut à petits pas légers avec ces mouvements étudiés qui caractérisent les danses mystiques. Son pas est tantôt long, tantôt rapide. Ses mouvements sont harmonieux, inspirés de la danse traditionnelle soufie, avec quelques variations qui disent les influences de la danse contemporaine. La danseuse entre en transe. Le son d'un rabab, instrument traditionnel iranien, s'élève. Le luthiste prend un tar et rejoint le flûtiste pour un duo exceptionnel. Ava revient mais vêtue d'un long habit blanc immaculé. Pleine d'énergie, elle offre au public un autre moment de magie. En véritables serviteurs de la musique soufie, les musiciens mystiques chantent des textes en langues marwarie (dialecte indien) qui rendent hommage aux grands poètes soufis, dont Djallal Eddine Rumi et la princesse hindoue Mira Bei (poétesse du seizième siècle qui a tout abandonné pour vénérer le dieu Krishna). La musique de Badila a su malgré l'usage de la langue marwarie toucher l'assistance et l'imprégner du timbre mystique de leur sonorité. A la fin du concert, l'ensemble, conquis par le public qui a manifesté son intérêt de la manière la plus éloquente, lui offrira un dernier morceau en lui demandant de participer. Les spectateurs ne se feront pas prier. Le chanteur s'empare d'une sorte de castagnettes et s'improvise en chef d'orchestre pour diriger le public et rythmer les battements des mains. Un grand moment de découverte et une heure et demie de zen attitude pour cette soirée. Quant à l'ensemble Badila, il exprimera sa gratitude envers ses hôtes avec la promesse de revenir. Par ailleurs, les organisateurs ont profité de l'occasion pour annoncer un concert exclusif que doit donner le maître et virtuose du oûd, le Tunisien Anouar Brahem le 20 juin prochain à Riad El Feth. W. S.