Après la Tunisienne Abir Nasraoui, l'Agence algérienne du rayonnement culturel poursuit son cycle artistique consacré aux nouvelles musiques d'Orient. Conçu comme un voyage musical initiatique, cette fois, c'est vers un autre Orient que le public algérien fort nombreux, a été convié a assister samedi soir à la salle Ibn Zeydoun d'Alger. Il s'agit de l'ensemble «Badila», un mot issu du dialecte Marwari qui veut dire «amoureux fier allure», parlé dans le désert du Rajasthan, en Inde. Le groupe est composé d'une danseuse persane, et de musiciens français, indiens et iraniens. Au confluent des traditions musicales ancestrales, la formation nous a invités à un magnifique périple au coeur des transes de l'Orient, au pays des cavaliers mystiques, réunissant dans un spectacle transversal coloré et festif, les musiques et danses de l'Orient. Un spectacle qui convoque la fête mais surtout à la méditation. Sa musique est ode au vertige, au bonheur et à l'élévation spirituelle, à l'amour, enfin au rapprochement des peuples dans un esprit d'ouverture et de métissage. Ava, la danseuse est d'origine perse mais a vécu en France. Elle est de formation classique mais s'est très tôt intéressée à la danse et à la culture iraniennes. Elle confie: «J'ai commencé à travers la musique et les poèmes perses. Je me suis petit à petit intéressée au soufisme qui est une branche ésotérique de l'Islam. J'ai été attirée vers le courant des derwichs tourneurs. J'ai commencé à l'adolescence, une façon de me retrouver et de créer ma propre danse. Ce n'est pas une danse issue d'une quelconque technique. Je me suis basée sur la danse occidentale pour créer par la suite une danse avec des influences indiennes, espagnoles, orientales et j'ai beaucoup travaillé sur les tours des derwichs tourneurs. Comme cela, j'arrive à maintenir le rythme et la danse. En fait Moulana Roumich, un grand philosophe et penseur persan soufi, a dit «Il y a plusieurs voies qui mènent à Dieu, j'en ai choisi deux, la musique et la danse. Ça me concerne, ce sont des voix que j'ai choisies pour me rapprocher du divin.» De son côté, Bastien le percussionniste nous a confié: «Je suis Français, je joue la tabla indienne. On a revisité à notre manière les plus grandes traditions orientales, traditions de musique et de poésies spirituelles aussi. Côté instrument, on a joué le ney, la flûte au roseau que vous avez aussi en Algérie, le ney persan est joué avec des techniques totalement différentes. Cela produit un son différent. Il y a le oud joué par Sardar qui a joué aussi du tar. Le petit piano joué par l'Indien s'appelle l'harmonium. Les trois musiciens sont également chanteurs. Moi-même étant percussionniste, j'accompagne tout à tour ces cultures persanes, indiennes et du monde arabe avec un instrument approprié c'est-à-dire la tabla, le zerb iranien, et la derbouka. Sardar jouera aussi du daf.» Lente ou effrénée, entraînante saccadée ou méditative, la musique jouée ce soir avait pour objectif de souffler la paix à l'âme comme une incitation à l'introspection. La voix sublime du chanteur indien était elle- même divine. Le flutiste originaire d'un village à côté de la mer Caspienne interprétera un poème qui se voulait une invitation au retour à la nature, la terre, dans le cadre d'une fête célébrant chaque année le printemps, à savoir Nawrouz (fête du feu) qui se célèbre chaque printemps en Iran. Ava, la danseuse, ne cessera, en effet, de tourner en s'adonnant par moment à des pas de danse typiquement kurdes. La musique de l'ensemble Badila exprime en fait deux aspects, la force du rythme des percussions appelé le galop et la fluidité des mélodies envoûtantes issues de la poésie. On y décèle outre des mélodies du répertoire traditionnel algérien à bien y écouter, un patrimoine riche de nombreuses musiques du monde sans compter les textes de Jalal Eddine Erroumi, de Hafiz et de la princesse hindoue Mira Bai. Entre la foi, l'expression amoureuse, les valeurs éthiques, les textes de ces auteurs ainsi que d'autres connus ou anonymes expriment, nous affirme-t-on, un monde où la richesse était avant tout celle des croyances et des sentiments. Les cinq musiciens de l'ensemble Badila ont réussi à enchanter le public grâce à un spectacle éblouissant basé sur le mystique, hélas trop court, pour le goût du public. Un spectacle où la sensualité de la danse se conjuguait à la profondeur mélodique des textes chantés. Des tableaux féeriques qui demandaient à être appréciés plus longtemps pour y pénétrer complètement. Dans la continuité de ce cycle consacré aux musiques de l'Orient, l'Agence algérienne pour le rayonnement culturel organise prochainement un concert avec la chanteuse syrienne, Lena Chamamyan le 18 avril, avec la Palestinienne Rim Banna le 30 avril, le Libanais Elie Malouf le 5 mai et, cerise sur le gâteau, avec le grand Anouar Braham, le 20 juin, veille de la Fête de la musique.