La situation post-élections législatives en Irak pourrait faire entrer le pays dans une phase de risque sécuritaire accru. L'Irak, qui ne s'est jamais débarrassé des démons de la violence en tout genre depuis l'invasion américaine de 2003, pourrait, avec la crise politique qui se profile, se voir confronté de nouveau à l'embrasement. La violence cible désormais des objectifs diplomatiques. Le 4 avril dernier, des kamikazes ont lancé des attaques contre plusieurs ambassades à Baghdad. Au moins 30 personnes ont été tuées. La situation de vide politique créée par les longues tractations sur la formation du gouvernement charrie son lot de périls. Le ministre irakien des Affaires étrangères, Hoshyar Zebari, a affirmé que les derniers attentats portaient la «marque» du réseau d'El Qaïda, qui rappelle des attaques spectaculaires menées au cours de ces derniers mois contre des hôtels et des ministères. Pour les spécialistes, la recherche de l'impact médiatique à travers des actions violente demeure la marque de fabrique d'El Qaïda. Cependant, la bataille politique pour le prochain gouvernement pourrait accroître la violence. Les attaques ont eu lieu dans le quartier Mansour dans l'Ouest : l'une à l'entrée de l'ambassade égyptienne, en partie détruite, et l'autre près des ambassades allemande, espagnole et syrienne. L'ambassade d'Iran a également été visée. Les observateurs du dossier irakien sont unanimes. Si les partis politiques ne se mettent pas d'accord rapidement, le pays va replonger dans les violences interconfessionnelles. Cependant, cette fois-ci la crise politique alimentera inlassablement l'horreur et la désolation. Les Etats-Unis, dont les troupes de combat doivent se retirer en août prochain d'Irak, ont mis en garde contre l'utilisation par El Qaïda du vide du pouvoir après les législatives du 7 mars dernier. «C'est une attaque politique qui vise à nuire au processus politique et à envoyer le message que les terroristes sont toujours actifs», dira le ministre irakien des Affaires étrangères. Pour l'heure, c'est le statu quo. Les partis politiques mènent de difficiles tractations pour former le prochain gouvernement. La victoire de l'ancien Premier ministre Iyad Allawi, qui a devancé de seulement deux sièges le chef du gouvernement sortant Nouri El Maliki a fait redistribuer les cartes dans la vie politique du nouvel Irak. Fort de son statut de premier mouvement religieux chiite d'Irak, le parti de Moqtada Sadr entend fortement influer sur le choix du prochain Premier ministre, sujet d'intenses négociations. Un référendum «populaire» devrait être organisé. Objectif : faire barrage à «l'ennemi juré», l'actuel chef du gouvernement Nouri El Maliki. Le vide du pouvoir ouvre la voie à tous les repositionnements. Les membres et les sympathisants du mouvement sadriste, mais aussi tout Irakien qui le souhaite, sont invités à se prononcer à travers le pays sur cinq noms de candidats à ce poste tant convoité. Figurent sur la liste Nouri El Maliki, Iyad Allawi arrivé en tête des élections, l'ancien Premier ministre Ibrahim El Jaafari, l'actuel vice-président chiite Adel Abdel Mehdi ainsi que Jaafar Mohammed Baqer Sadr, le fils de Mohammed Baqer Sadr, un ayatollah assassiné en 1980. «La situation politique est compliquée et Sayyid Moqtada Sadr a toujours dit que le meilleur conseiller est le peuple irakien», clame un des dirigeants du mouvement. C'est le coude-à-coude entre les partis politiques irakiens. Chacun rêve à un candidat pour le poste de Premier ministre. Moqtada Sadr veut faire pression sur les négociations avec les autres partis, en particulier sur la liste de l'Etat de droit de Nouri El Maliki qu'il ne souhaite pas voir rempiler pour quatre nouvelles années. Avec ce référendum, le courant sadriste, qui a bien joué son coup pour faire pression sur les autres partis politiques, s'engage dans la bataille du gouvernement. Mais, pour l'heure, les négociations sont dans l'impasse et les sadristes veulent activer, grâce au soutien populaire, en faveur d'une personne autre que Nouri El Maliki. Pour les sadristes, l'équation est unique : «Tout, sauf Maliki», auquel ils vouent une inimitié profonde. Raisons : une sanglante offensive contre l'Armée du Mahdi, le bras armé du mouvement, en 2008 au moment de la révolte des milices armées. «Nous avons souffert de Maliki. Il a agi comme Saddam et même pire que Saddam vis-à-vis du courant sadriste. Il nous a emprisonnés par centaines, nous a bombardés avec ses avions, il nous a expulsés des cercles du pouvoir», disent les sadristes. Avec ce référendum annoncé, le mouvement de Moqtada Sadr souhaite également confirmer les gains des élections. Une campagne judicieuse a grandement joué dans le succès électoral. En imposant une forte discipline dans ses rangs, autrefois désunis, les sadristes ont réussi à revenir dans le jeu politique irakien en raflant environ 40 sièges (32 dans la précédente assemblée). Mais surtout en écrasant leurs alliés chiites du Conseil suprême islamique en Irak de Ammar El Hakim. Ce dernier apporte son soutien à Iyad Allaoui, qui tente actuellement de former le futur gouvernement, portant ainsi un coup important au Premier ministre sortant Nouri El Maliki. Ammar El Hakim a déclaré que son mouvement ne participerait pas à un gouvernement sans Allaoui. Pendant ce temps, les Irakiens sont les victimes d'une reconstruction institutionnelle sans fin. Le nombre de civils tués dans les violences en Irak a augmenté en mars. Cinquante militaires irakiens, 101 policiers et 57 insurgés ont été tués durant ce même mois de mars, celui des élections législatives. Et les répercussions de la bataille post-législatives ne font que commencer. M. B.