L'Algérie a décidé, en application de la réglementation de l'Organisation internationale de l'aviation civile, d'introduire le passeport et la carte d'identité biométriques. Ne vivant pas en autarcie et étant membre de l'OIAC, l'Algérie est donc tenue de se conformer aux engagements signés. Ainsi, et depuis plusieurs semaines, le ministère de l'Intérieur a mené une campagne d'information en direction des citoyens pour qu'ils prennent connaissance des nouvelles mesures leur permettant de retirer ces documents. L'opération a débuté le 4 avril dernier. Le département de Yazid Zerhouni a même mis en ligne sur son site Internet le formulaire à remplir par le requérant afin de lui éviter le désagrément des déplacements jusqu'au jour du dépôt du dossier. Et c'est justement ce formulaire et les documents exigés pour le passeport qui ont surpris beaucoup de citoyens, qui ne s'expliquent pas qu'on leur demande de mettre à nu leur vie privée. Car, jusqu'à présent, depuis le début de l'opération, certaines parties veulent absolument «noyer» le débat pour le réduire au port ou non de la barbe ou du hidjab, faisant fi de tout ce qui est exigé en parallèle. En effet, en plus des photos, d'un extrait d'acte de naissance et d'un certificat de nationalité du requérant, il est exigé un extrait d'acte de naissance du père et de la mère. Pis, dans le formulaire, le demandeur est tenu de remplir les cases relatives aux noms et prénoms des parents, mais aussi son ancienne et nouvelle adresse tout en précisant les dates de début et de fin de résidence. Il est également exigé du demandeur de passeport biométrique de fournir nom, adresse, numéro de téléphone et e-mails de trois camarades de classe. Avec, en plus, pour les citoyens ayant accompli leur service national les noms de trois collègues du contingent, leur numéro de téléphone et adresse, mais également l'année du contingent.Il faut vraiment jouir d'une mémoire d'éléphant pour répondre à ces exigences. Même si le demandeur arrive à se rappeler les noms de quelques camarades, il sera, sans aucun doute, dans l'impossibilité de fournir leur adresse ou leur numéro de téléphone. Parce qu'il n'est pas dans les mœurs des étudiants ou des appelés de demander ce genre de renseignements et les garder pendant de longues années. Le demandeur est également tenu de se faire accompagner lors du dépôt du dossier d'une personne répondant de son identité et de la véracité des renseignements fournis.Toute cette batterie de documents et de renseignements laisse à penser que l'état civil algérien est plus que défaillant ou qu'il n'est pas digne de confiance. Etablir un fichier national des citoyens algériens n'est pas du ressort des demandeurs de documents de voyage ou d'identité. Cela relève, et tout le monde le sait, des services de sécurité. De plus, les citoyens qui se rendent dans des pays étrangers n'ont jamais subi un interrogatoire sur leur filiation, leur cursus scolaire ou universitaire, encore moins sur leurs fréquentations. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'en voulant assurer un maximum de sécurité aux Algériens et à leur pays, le ministère de l'Intérieur a pris des raccourcis, confiant ainsi la mission de fichage aux citoyens eux-mêmes.Cependant, nous n'avons pas vu les pouvoirs publics s'inquiéter de l'application stricte et rigoureuse de l'arrêté du 22 juin 1996 portant instauration de l'obligation de déclaration de transactions immobilières. Un arrêté qui fait, rappelons-le, obligation à l'acheteur, au vendeur, au bailleur ou au locataire de procéder à une déclaration à l'APC du lieu d'implantation du bien immobilier en question et d'un certain nombre de documents à fournir. Laquelle déclaration doit être transmise aux services de sécurité. Un arrêté qui a été pris pour déloger les terroristes qui se réfugiaient dans des appartements qu'ils louaient sans déclaration aucune et sous de faux noms. Cet arrêté n'a jusqu'à maintenant pas été abrogé. Aussi, scruter la vie privée des gens relève du viol des dispositions constitutionnelles garantissant l'inviolabilité de la personne et de sa vie privée. F. A.