Le 3 mai de chaque année, le monde de la presse célèbre, de par le monde, la journée internationale dédiée à la liberté d'expression. C'est surtout une occasion de faire le bilan des avancées et des manquements dans l'exercice de la noble profession d'informer. En Algérie, le bilan des professionnels des médias fait malheureusement ressortir le même état des lieux, le même constat où les défaillances l'emportent de façon considérable sur les acquis. Et ce ne sont pas les journalistes qui diront le contraire : dans leur écrasante majorité, ils déplorent des conditions professionnelles et sociales indignes de leur métier. Entre les salaires plus ou moins dérisoires, le cadre de travail dans lequel ils évoluent et leur situation personnelle souvent précaire, les journalistes algériens ne peuvent aucunement être enviables. Au moment où les statistiques mondiales révèlent que le journalisme est l'une des activités où l'on enregistre le plus de décès précoces, les professionnels de ce métier dans notre pays comptent parmi les moins lotis, en raison d'une multitude de facteurs. «Nous continuons à attendre les fins de mois avec impatience et dès qu'il y a un retard nous paniquons. Moi-même je suis obligé de faire trois piges pour m'en sortir. C'est interdit, mais je fais même deux piges dans des quotidiens alors que j'exerce en tant que permanent dans un quotidien mais je n'ai pas le choix. Je suis obligé de subvenir aux besoins de ma petite famille. Dans la plupart des pays, les journalistes sont bien considérés et ont un meilleur statut, ici nous sommes méprisés, aussi bien par nos employeurs que par les institutions, les organismes privés… J'en veux pour preuve la façon avec laquelle nous sommes traités lorsque nous assurons des couvertures. A commencer par les préposés à la sécurité», témoigne un confère exerçant dans un quotidien arabophone. Pour des raisons évidentes, ce témoin a requis l'anonymat. C'est le cas des confrères approchés à ce sujet. Une consœur, qui a cumulé une solide expérience dans plusieurs titres de la presse, quotidiens et autres, regrette, pour sa part, l'absence d'un syndicat «fort» qui défende les intérêts de la corporation et parle de «misérabilisme» pour qualifier la situation socioprofessionnelle des journalistes algériens. «Ils sont nombreux à ne pas pouvoir s'acheter une voiture, un appartement ou s'offrir un voyage quand ils ont en envie et cela y compris pour ceux qui ont une longue expérience. Depuis que le crédit automobile n'existe plus, rares sont ceux qui peuvent se permettre une voiture, même d'occasion, ou alors il faut qu'ils triment jour et nuit pour pouvoir y arriver !» L'avis de cet autre confrère exerçant dans l'une des chaînes de la radio nationale est sans appel : «Les éditeurs continuent de s'enrichir et les journalistes continuent de s'appauvrir. Ils exploitent les journalistes et ne se préoccupent que de faire le total de leurs gains. Il n'y a qu'à voir dans quelles conditions ces derniers meurent : le défunt Mohamed Issami a été retrouvé seul dans une chambre d'hôtel, c'est triste ! Ça donne froid dans le dos ! D'autres confrères sont morts dans le dénuement le plus total et l'ingratitude la plus révoltante !» La situation dans laquelle «évoluent» les journalistes est telle que la majorité d'entre eux ont choisi d'abandonner leur carrière, parfois après de longues années, et ils sont rares à regretter leur décision. «Depuis que j'ai quitté la presse, je me sens mieux, je gagne mieux ma vie, j'ai plus de temps à consacrer à ma famille et je suis surtout moins stressé !» entend-on souvent. M. C.