De notre correspondant à Constantine Nasser Hannachi Nous faisions un tour il y a quelques mois dans le service de la neurochirurgie du CHU de Constantine. Le professeur qui nous faisait visiter son service s'arrêta pour exhumer un cas des plus inquiétants : un hospitalisé avait failli perdre une jambe après avoir cru un charlatan guérisseur qui lui avait estampillé le mollet d'une barre de fer brûlante . Il avait été transporté in extremis à l'hôpital. C'est un cas parmi d'autres dissimulés qui découlent de ces «médecins» autoproclamés au pouvoir magique, même magnétique. Ils activent à domicile et souvent sur rendez-vous. A Constantine, on en dénombre quelques-uns mais qui s'éclipsent devant la presse de peur d'être identifiés. Pourtant de bouche à l'oreille, la société assez influencée par ces pratiques pour le moins contestées par la corporation médicale se laisse duper, moyennant tant d'argent. Pour une simple phrase ou fausse promesse, les personnes fragiles d'esprit et de cœur croient en ces charlatans. Toutefois dans l'Est, il est un guérisseur qui donne rendez-vous avant la prière du «fedjr». Un secret dont il demeure le seul détenteur. Parfois, le mal inguérissable par une pharmacologie pousse les malades à se ruer vers les contrées lointaines dans l'espoir d'atténuer leur souffrance. Le cas le plus éloquent et le plus étrange se rapporte à la sciatique. Celle-ci ne répondant souvent à aucun antalgique ou anti-inflammatoire, le patient se tourne vers des remèdes traditionnels. «Franchement, elle a tout essayé en médicaments, en vain», raconte une femme dont la grand-mère n'a pas résisté en fin de compte à la tentation de se faire soigner par un charlatan. «Croyez-le ou non, depuis, ma mémé n'a plus mal», affirme-t-elle. Le charlatanisme a su tirer profit de l'incapacité de la médecine moderne. Du moins, c'est ce qui se confirme sur le terrain par cette pratique qui échappe au contrôle. Et le service de l'ordre des médecins n'en parle presque pas comme si «cette médecine… souvent meurtrière», dite traditionnelle, obéissait à une charte et un cursus et donc acceptée sans conteste. Cependant, il est des spécialistes qui ne veulent guère se prononcer sur le sujet surtout si le mal disparaît à l'aide de la main magique d'un charlatan… Il y a quelques années, Constantine en aura vu de toutes les couleurs. La pratique de la saignée (hadjama) avait touché plusieurs personnes. C'est du mauvais sang qu'on leur aspire à l'aide d'une lame en différentes parties du corps. Les charlatans s'adonnent à des spécialités plus complexes que celles étudiées en faculté. Ils se disent tout soigner. Les hépatites, les cancers, le sida… contre lesquels les recherches thérapeutiques mènent la lutte seraient guéris en un quart de magie par ce charlatanisme. Le hic, c'est que la population qui y croit n'est pas seulement d'un niveau intellectuel moyen. Beaucoup de «croyants» sollicitent la fumée des «marabouts» non seulement à des fins de santé mais d'ordre social ou professionnel. La capitale de l'Est en avait connu une flopée animée par des femmes, des hommes. Les uns pour chasser le mauvais œil, les autres pour forcer le destin.