On le connaît comédien s'exprimant sur les planches (s'ghir ou mahgour), acteur interprétant sur les plateaux différents rôles, professeur enseignant le design graphique à l'Ecole supérieure des beaux-arts, mais c'est bien en artiste peintre qu'il faut regarder Arslane, pour percevoir l'homme dans son propre rôle. Peut-être. Car, entre regarder et voir, il y a cet espace d'imperceptibilités, d'incompréhensions, de non-dits, de points aveugles, de refoulements… que l'artiste ne dit qu'à sa toile, dans son propre langage de formes et de couleurs. Arslane jouant ou enseignant et Arslane peignant sont deux personnes bien distinctes. Evidement, ce n'est pas lui qui vous le dira. Encore moins ses toiles, si on les regarde d'un œil superficiel qui ne vous montrera que la beauté plastique et la maîtrise des techniques dans leur réalisation. C'est la première sensation que nous avons eue quand nous avons visité l'exposition «Papillon & horizon» que le palais de la Culture a accueilli la semaine dernière. Au premier contact avec Diptyque (technique mixte, 140x100 cm), la première des 35 toiles exposées, la nécessité de devoir aller au-delà du regard admiratif s'impose. Les flaques de lumières de blanc immaculé cernées de lacis noirs suggèrent la confrontation, la dualité, la rencontre des dissemblances dans un mouvement d'ensemble tout en harmonie. L'apparent ne dit pas tout. La beauté est à fleur de toile. Derrière, on perçoit tout un entrelacs d'impressions, contradictoires !? Un tour dans la salle d'exposition confirme ce dualisme qui s'exprime tant par les formes que par les couleurs mises en contraste. Etre papillonnant, A la recherche de l'horizon, En phase avec l'horizon, D'une fleur à l'autre (1, 2 et 3), Papillons et papillonnes, En deçà et au-delà de l'horizon, Virevoltant vers l'ailleurs, Papillon dans l'océan, A la recherche de l'horizon. Retour vers l'horizon et les toiles sans titre disent toutes cette rencontre des opposés, des extrêmes. Là, c'est un camaïeu bleu encadrant un carré brun aux lignes droites et angles tranchants ; plus loin, la lumière est captée dans des îlots et des touches qui font ressortir la coulée de rouge et les touches noires, ocres ou jaunes. Tantôt les filaments blancs dessinent les contours imprécis d'un papillon ou d'une femme, tantôt ils la composent. Le choc des couleurs est atténué par la fluidité des lignes. Mais le choc des formes est, lui, plus qu'expressif. Le mouvement chaotique de ces couleurs qui se superposent est opposé à la rectitude et l'ordre de ces lignes qui dessinent l'horizon. Papillons et personnes ne sont que silhouettes chaotiques, éphémères, face à un ordre établi et infini, l'horizon. C'est le yin et le yang, version Arslane. L'artiste l'explique à Mustapha Nedjaï, un autre artiste qui fait parler ses couleurs et ses formes. Les deux plasticiens parlent le même langage. C'est sans doute pour cela qu'Arslane a confié la présentation de son exposition à Nedjaï avec qui il a d'ailleurs eu une longue discussion dont nous avons vu un extrait filmé. Dans cet échange, Arslane développe sa vision de l'horizon et du papillon qu'il résume à travers les concepts de l'éphémère (papillon) et de la finitude et de l'infinitude (horizon, qui cache toujours un autre horizon). Mais la grande question qu'Arslane se pose est de savoir qui en vérité est le plus éphémère. Est-ce l'horizon qui est coupé pour être remplacé par un autre (finitude) ou le papillon qui vit sans avoir aucune conscience (barrière) de sa fragilité ? La finitude est dans cet horizon qui nous barre la vue et cette vie qu'on traverse en un clin d'œil, mais l'infinitude est aussi dans ce même horizon qui nous dit qu'il y a un autre monde derrière et dans cette vie qui nous enseigne qu'il y a un au-delà… l'idée de la mort et de l'éternité surgissent. C'est sans doute le «caché» que «Papillon & horizon» porte en son sein, et Arslane. H. G.