Photo : S. Zoheir Par Amirouche Yazid La professionnalisation du football entamera ses grands débuts dans quelques jours. L'exercice 2010-2011 portera le label professionnel. Beaucoup d'interrogations demeurent néanmoins pendantes à l'orée du début du championnat prévu à la fin septembre. Les clubs ont été amenés à changer leur statut juridique. Des industriels ont intégré l'organigramme des clubs pour devenir des actionnaires et des membres de conseils d'administration, lesquels ont remplacé les sinistres assemblées générales. Les autorités n'ont pas lésiné sur l'argent. L'Etat a pris la décision d'accompagner ce projet en matière de financement. Le reste de la chaîne est tenu de suivre le processus. C'est dans ce sens que la Fédération algérienne de football et la Ligue nationale ont hérité de la mission d'encadrer le projet. Les espoirs sont énormes même si la bataille semble dure à gagner compte tenu des contraintes de diverses natures. Il est a priori difficile d'imaginer que le processus réussisse si ce mode de gestion est mené par le même personnel ayant conduit le football national vers l'échec. Les statuts ont changé pendant que le personnel est resté en place. Y compris les acteurs ayant consommé le minimum de crédibilité qu'ils avaient auparavant. «Nous lancerons cette saison le championnat professionnel avec la participation d'un minimum de clubs. Je vous ai réunis ici pour vous sensibiliser sur l'opportunité exceptionnelle que l'Etat nous offre pour jeter les bases de la professionnalisation de la pratique de notre sport. Saisissons cette unique occasion pour assurer la véritable refondation du football national», avait déclaré le président de la FAF à l'adresse des présidents de club, tout heureux d'être encore là. Dans l'objectif d'aider les clubs à prendre le train de la professionnalisation, les pouvoirs publics prévoient plusieurs mesures. Première mesure : un prêt financier pour les clubs qui s'engagent dans le professionnalisme avec un taux d'intérêt bonifié de 1% étalé sur une période de 15 ans avec dix années de grâce. Deuxième mesure : la dotation des clubs d'une réserve foncière de deux hectares pour la réalisation d'un centre de formation des jeunes et de préparation technique en concession de gré à gré au prix symbolique de 1 DA le mètre carré. Troisième mesure : une aide de l'Etat, à raison de 80% du coût, destiné à la réalisation de cette infrastructure qui comprendra des terrains, des vestiaires et autres commodités. C'est à ce niveau que va commencer manifestement le rôle des clubs. Techniquement, les clubs doivent disposer d'un organigramme comprenant un directeur général du club, un directeur technique, un directeur des finances et de la comptabilité et des personnels techniques nécessaires à toutes les équipes. Il est ainsi question de modifier le mode de structuration au sein de nos clubs dont le management a révélé toutes ses incohérences. Un changement d'organisation qui devait générer de meilleurs résultats. La question qui mérite d'être posée à l'heure actuelle est de savoir si nos clubs vont adhérer réellement à cette offre de solution. Il ne suffit pas d'approuver la décision dans le discours. Nos clubs ont un rôle important à jouer pour que le projet réalise les résultats escomptés. De légers doutes persistent jusqu'à maintenant : il est ainsi attendu que nos clubs traduisent dans la pratique leur adhésion, déjà affichée, à ce projet. C'est leur avenir qui est en jeu et par ricochet celui du football algérien dont les défaillances ne sauraient être cachées par une participation au Mondial. Devant l'incapacité de réunir les meilleures conditions pour le passage au professionnalisme, les dirigeants du football algérien découvrent un palliatif très populiste. Il consiste à vouloir contrôler l'échelle des primes de signature qu'offrent les clubs aux joueurs de l'élite. Il s'agit manifestement d'une énième défaite de l'idée de professionnaliser la discipline. Annoncé pour la saison prochaine, le projet vient d'être ajourné en lui substituant ce qui devrait être une simple partie de la politique globale censée recadrer la gestion de la discipline. Les conséquences d'une telle diversion ne se résument pas au fait de ne pas respecter ses propres échéances. La nouvelle mesure contient d'autres dérives. La plus visible invite les présidents de club à offrir des biais informels, des primes aux joueurs dont il serait difficile de trouver la traçabilité. Les promoteurs du professionnalisme en Algérie réduisent l'opération à sa dimension pécuniaire alors que l'argent n'est qu'un élément, sans doute déterminant, de ce passage vers un autre mode de gestion en vigueur dans la plupart des pays, y compris ceux du tiers-monde. Le chantier de la professionnalisation de la discipline est tellement vaste qu'on ne peut pas le réduire, même dans un contexte d'urgence, à une simple opération de contrôle des joueurs. Le supposé exercice de contrôle ne doit-il pas être une étape pratique de la professionnalisation une fois le projet devenu réalité ? Le football algérien doit visiblement se contenter d'un comptoir de contrôle après avoir misé sur une professionnalisation dans laquelle l'argent est supposé circuler dans une totale transparence. Le sort réservé au stade du 5-Juillet est une preuve solide que l'argent débloqué au profit du secteur du sport en général et du football en particulier ne sert ni le sport ni le football. Il est ainsi difficile de croire aux chances de succès de l'idée de professionnaliser la discipline, texte et pratique, quand la pelouse d'un complexe de la dimension du 5-Juillet ne peut pas abriter plus d'un match en une année. D'interminables travaux à coups de milliards n'ont pas donné lieu à une pelouse praticable, ni à des projecteurs qui permettraient des spectacles nocturnes. En définitive, l'idée de professionnaliser la sphère du football national risque de heurter le mur des habitudes ancrées d'un personnel qui a ruiné toute une discipline, ses valeurs et ses repères.