La revue Science du jeudi 19 août, citée par le journal le Monde, brouille les cartes au sujet de la marée noire provoquée par BP, en avril dernier. Elle affirme qu'une bonne partie du pétrole continue à dériver dans les profondeurs, malgré le fait que les côtes ne subissent pas la déferlante de brut et que la nappe ait disparu de la surface de l'eau. Il semble ainsi que rien n'ait été réglé et que les autorités américaines aient crié victoire prématurément. La preuve, des équipes spécialisées ont mis au jour un panache 'hydrocarbures de plus de 35 kilomètres de long, 2 kilomètres de large et 200 mètres de haut, progressant de 6,7 kilomètres par jour en direction du sud-ouest, à environ 1 100 mètres de profondeur. Il pourrait s'agir d'une nappe furtive ; pour la traquer, les chercheurs ont focalisé leurs instruments sur quelques éléments qui composent le pétrole brut : le benzène, le toluène, l'éthyl-benzène et les xylènes, des hydrocarbures volatils toxiques faciles à détecter, ainsi que l'explique le Monde. Du point de vue scientifique, une certitude à retenir : les résultats mis en évidence confirment qu'il existe un mécanisme de transfert direct des hydrocarbures dans les écosystèmes marins profonds. Mais la quantité totale de pétrole dans le panache et l'étendue complète des risques possibles pour la faune et la flore marines restent incertaines, indiquent les chercheurs, repris par le Monde. Les premières conclusions sont malgré tout inquiétantes. Etant donné les concentrations relevées à 35 kilomètres du puits, «il paraît probable que le panache s'étend considérablement plus loin que les limites de l'étude», interrompue par l'arrivée de l'ouragan Alex, souligne M. Camilli. Et, rien n'indique que la nappe identifiée soit la seule à polluer le fond de l'océan. De plus, alors que de nombreux experts tablent sur une biodégradation naturelle du pétrole, les chercheurs du WHOI révèlent que les quantités d'oxygène dissous dans le panache n'avaient, fin juin, pas baissé à des niveaux suggérant que les bactéries détruisent les hydrocarbures. Cette biodégradation, si elle est possible à cette profondeur, pourrait demander de très nombreux mois. L'étude en question pourrait relancer la polémique sur le discours rassurant et ambiant par moments des autorités américaines et de BP concernant les conséquences pour l'environnement de cette marée noire qui a vu 4,9 millions de barils, soit 780 millions de litres de brut, se déverser dans l'océan entre l'explosion de la plate-forme Deepwater Horizon, le 20 avril, au large de la Louisiane, et le colmatage du puits, le 5 août dernier. D'après le rapport rendu le 4 août par les experts de l'Agence océanique et atmosphérique américaine (NOAA) et du département de l'Intérieur, 25% seulement du pétrole qui s'est déversé par 1 500 mètres de fond se trouverait encore dans la nature. Les trois quarts du brut auraient été récupérés, brûlés, dispersés chimiquement, se seraient évaporés ou dissous naturellement. «Il n'y a absolument aucune preuve qu'il existerait une concentration significative de brut que nous n'aurions pas prise en compte», affirmait alors la directrice de la NOAA, Jane Lubcheco. Y. S.