Photo : S. Zoheir Par Ali Boukhlef «L'Espagne n'a pas payé de rançon». Les déclarations du ministre espagnol délégué chargé de l'Amérique latine, Juan Pablo de Laiglesia, ont du mal à faire passer la pilule. Lors d'une conférence de presse animée, jeudi dernier en début de soirée à Alger en compagnie de Abdelkader Messahel, ministre délégué chargé des Affaires maghrébines et africaines, le responsable espagnol a tenté de faire bonne figure. «L'Espagne est l'un des pays qui ont le plus souffert du terrorisme. Nous n'avons donc pas de leçons à recevoir, d'autant que nous avons perdu plus de 1 000 personnes et près de 4 000 autres victimes indirectes», a dit De Laiglesia. Cela n'a pas empêché le membre du gouvernement espagnol à nourrir une sorte de confusion sur la proposition algérienne portant sur la criminalisation du paiement de la rançon. «Nous attendons de voir», a-t-il estimé. Cela n'empêche, les déclarations de Messahel, qui venait de sortir de plusieurs heures de conciliabules avec son partenaire espagnol, ont été plus tranchantes. «La lutte antiterroriste est l'affaire des Etats», a-t-il estimé. Pis, le ministre algérien est allé plus loin en déclarant que «face à l'ampleur du phénomène, les paroles seules ne suffisent pas». L'allusion aux tergiversations espagnoles est donc aussi claire que précise. «Nul ne peut ignorer, indique encore Abdelkader Messahel, que le paiement de la rançon participe, au même titre que la contrebande, au financement des groupes terroristes». Une évidence. Mais il estime que cette réalité n'a pas été prise en compte par les mécanismes des Nations unies. Cela dit, le ministre algérien est entré dans une véritable plaidoirie sur la nécessité de laisser les pays du Sahel gérer eux-mêmes la crise dans la région. «Il est vital que les pays de la région prennent eux-mêmes les choses en main», a-t-il insisté tout en affirmant qu'une rencontre des chefs d'état-major de la région se tiendra «dans les prochains jours». Une autre rencontre des services de sécurité des pays du Sahel se tiendra «la fin de ce mois» à Alger. Cette petite brouille dans les relations algéro-espagnoles a vite été dissipée par d'autres réalités. Les deux pays s'entendent à merveille sur le reste. Il en est ainsi du Sahara occidental. Le sujet intéresse au plus haut point les deux nations. «Nous pensons, au même titre que nos amis espagnols que l'affaire du Sahara occidental doit être traitée dans le cadre des Nations unies», a déclaré Abdelkader Messahel. Une déclaration vite adoptée par son homologue espagnol, dont c'est la première visite en Algérie. Le point nodal des relations entre Alger et Madrid est sans aucun doute l'économie. Là, les chiffres présentés par les deux ministres sont plus qu'éloquents. En 2008, à titre d'exemple, les échanges commerciaux entre les deux pays ont atteint 12 milliards d'euros. Puis, l'année suivante, l'Algérie a vendu l'équivalent de 6 milliards d'euros à l'Espagne. Cette dernière achète 35% de ses besoins en gaz naturel à l'Algérie. «Avec la construction du deuxième gazoduc, les chiffres vont augmenter», a soutenu De Laiglesia.