Réunis pendant deux jours à Lisbonne (Portugal), le 19 et le 20 novembre derniers, les dirigeants des pays membres de l'Organisation transatlantique (L'Otan) se sont entendus à l'unanimité sur un retrait total de leurs forces armées de l'Afghanistan d'ici à 2014. Ce retrait débutera au plus tard à l'été 2011 qui marquera aussi le début du passage de relais aux mains des forces de sécurité afghanes. Un nombre restreint de soldats étrangers, particulièrement américains, demeureront pour quelques années de plus afin d'encadrer les services de sécurité, a déclaré le secrétaire américain à la défense Robert Gates, au cours d'une visite au Chili. «Je m'attends à ce qu'une fraction des forces internationales reste sur place pour entraîner et soutenir les (forces) afghanes, mais je crois que la force qui restera après 2014 sera très modeste et très centrée sur le type de formation et d'assistance que nous apportons actuellement en Irak», a expliqué Robert Gates lors d'une conférence de presse. «Ce que nous faisons, c'est soutenir l'objectif du président [afghan Hamid] Karzaï de voir fin 2014 la responsabilité principale de la sécurité dans tout l'Afghanistan transférée aux forces afghanes», a ajouté M. Gates, cité par les médias. Cette décision a coïncidé avec l'annonce par les forces internationales de l'Otan en Afghanistan (ISAF) du déploiement de 14 chars lourds par les Etats-Unis. 14 chars de type M1A1 Abrams, accompagnés de 115 marines américains, seront en fait envoyés dans le sud du pays, principalement dans les provinces du Helmand et de Kandahar, région où les combats avec les talibans sont particulièrement intenses, a indiqué un responsable de l'Isaf sous couvert de l'anonymat. Aucun calendrier n'a toutefois été fourni sur la date du déploiement de ces engins militaires. C'est le signe que l'Afghanistan va connaître une nouvelle escalade de la violence qui a fait déjà des milliers de morts, aussi bien dans les rangs talibans qu'au sein d'une population civile de plus en plus désespérée et livrée à la pauvreté. Car l'argent des aides destinées à la reconstruction du pays se perd dans les circuits de la corruption, des passe-droits et des rançons exigées par de nombreux groupes d'insurgés sur chaque chantier entrepris dans les zones pauvres et difficiles d'accès. Au lendemain de la clôture du sommet de l'OTAN, les rebelles talibans ont laissé entendre qu'ils allaient poursuivre leur lutte armée durant tout l'hiver. C'est le gouverneur du district de Panjwaii, Hajji Baran, le leader de la tribu de Noorzai, qui a répercuté cette mauvaise nouvelle, affirmant l'avoir apprise de sources d'information basées au Pakistan. Les insurgés qui ont intensifié leurs attaques ces derniers mois estiment par ailleurs que l'organisation transatlantique ne pourra pas mettre en place un gouvernement afghan capable de gérer le pays d'ici le retrait total des forces armées de l'Isaf. Dans un sens, les talibans voient juste puisque l'actuel gouvernement de Karzaï demeure impuissant devant les actes de violence (attentats suicides, bombes artisanales, attaques sporadiques contre les barrages de l'armée et des postes de la police locale). De nombreux observateurs doutent aussi de la capacité des autorités afghanes à gérer l'après-guerre, citant comme exemple l'Irak, même si ce pays n'est pas aussi atteint par l'extrémisme islamiste. En dehors des talibans, chassés de Kaboul depuis fin 2001, il existe également d'autres groupes d'insurgés qui ont fait du trafic d'opium une véritable industrie qui leur rapporte des dizaines de milliards de dollars par an. Le trafic de drogue est à l'origine de l'enlisement des forces de l'Isaf dans ce conflit qui a coûté plusieurs milliards de dollars aux pays qui s'y sont engagés. La propagation de la corruption à tous les niveaux de la société, surtout au sein des forces de la sécurité et de l'administration, est tel qu'il sera difficile pour un gouvernement afghan post-2014 de relever le défi du développement du retour de la sécurité à travers tous le pays. Et sachant que la présence étrangère a aggravé davantage le phénomène de la corruption, l'Otan sera sûrement obligé de revoir ses ambitions à la baisse. L. M. Extrait de la «déclaration du sommet de Lisbonne» de l'Otan […] Comme l'indique la déclaration des chefs d'État et de gouvernement des pays contribuant à la Force internationale d'assistance à la sécurité (FIAS) dirigée par l'OTAN sous mandat des Nations unies en Afghanistan, notre mission menée par la FIAS en Afghanistan demeure la priorité essentielle de l'Alliance, et nous nous félicitons des progrès importants qui ont été accomplis. La sécurité et la stabilité de l'Afghanistan sont directement liées à notre propre sécurité. En rencontrant le président Karzaï, l'ensemble de nos 21 partenaires au sein de la FIAS, les représentants de l'ONU, de l'Union européenne, de la Banque mondiale et du Japon, nous réaffirmons notre engagement à long terme à l'égard de l'Afghanistan, tel qu'énoncé dans notre vision stratégique agréée au sommet de Bucarest et réaffirmée au sommet de Strasbourg-Kehl. Nous saluons les contributions accrues et précieuses de nos partenaires au sein de la FIAS et accueillerions favorablement d'autres contributions. Nous entrons dans une nouvelle phase de notre mission. Le processus de transition, qui verra les Afghans assumer la responsabilité totale de la sécurité et le plein leadership dans certaines provinces et certains districts, devrait commencer début 2011, après une évaluation et une décision conjointes de l'Afghanistan et de l'OTAN/ FIAS. La transition sera soumise au respect de conditions, pas d'un calendrier, et elle n'équivaudra pas à un retrait des troupes de la FIAS. A l'horizon fin 2014, les forces afghanes endosseront pleinement la responsabilité de la sécurité dans l'ensemble de l'Afghanistan. Au travers de notre partenariat durable avec le gouvernement de la République islamique d'Afghanistan, nous réaffirmons notre engagement à long terme en faveur d'un avenir meilleur pour le peuple afghan […].