De notre correspondant à Tizi Ouzou Malik Boumati La vie muséale reprend ses droits très timidement dans la wilaya de Tizi Ouzou. Il est vrai que le patrimoine muséal dans cette wilaya n'en est encore qu'à ses balbutiements, les pouvoirs publics ayant choisi depuis l'indépendance d'instrumentaliser l'histoire du pays dans une logique de pouvoir au détriment de la volonté populaire de connaître son histoire et de négliger la question de la réalisation de musées toujours utiles pour la préservation des faits et autres objets historiques. En effet, à l'exception de l'annexe du Musée national du moudjahid qui traite exclusivement de la guerre de libération nationale, il n'y avait aucun autre musée dans la wilaya de Tizi Ouzou, la capitale de la Wilaya III historique, où avant même le colonialisme français, la résistance était le maître-mot d'une région qui a toujours combattu l'occupation étrangère et ce n'est pas les forces de l'empire ottoman qui contrediront cette assertion, après avoir subi une résistance farouche, notamment à l'époque du royaume de Koukou.L'absence de musées qui traitent de la période ottomane figure parmi les raisons qui font que la population algérienne ignore l'essentiel de la présence turque en Algérie. Le même raisonnement peut s'appliquer sur les présences romaine, byzantine, phénicienne et même arabe dans notre pays. Les pouvoirs publics ont longtemps confiné la vie muséale à la guerre de libération nationale et se sont même payé le luxe de se doter d'une nouvelle structure, le Musée régional de la Wilaya III historique, aux côtés de l'annexe du Musée du moudjahid, unique structure de ce genre dans la région à l'époque. Mais depuis quelques années et grâce à la bonne santé financière du pays, les autorités commencent à revoir, même timidement, leur politique culturelle, notamment avec cette décision de transformer les maisons familiales de leaders de la révolution et de la résistance populaire, longtemps ignorés, en musées qui témoigneront de l'engagement de Abane Ramdane et de Krim Belkacem dans l'œuvre libératrice de novembre 1954 et de la farouche résistance dont a fait preuve Lalla Fatma n'Soumeur à l'occupation française à ses débuts. Des initiatives saluées de toutes parts même si cela reste insuffisant pour un pays, l'Algérie, et pour une région, la Kabylie, qui ont eu une histoire trop riche en événements pour se contenter de quelques petites institutions historiques. D'ailleurs, d'autres projets sont déjà parmi ceux inscrits au programme quinquennal 2010-2014 comme la transformation en musée de la maison des Aït Kaci, située du côté de la Haute Ville de Tizi Ouzou, cette célèbre famille qui a résisté à l'occupation française très tôt. Il y a aussi la restauration du Bordj turc de Boghni ainsi que les sites culturels du village traditionnel d'At Lqayed, dans la région des Ouadhias, classé patrimoine national depuis quelques années déjà. Mais ce qui va peut-être sortir la vie muséale de l'histoire de la présence française en Algérie et de la résistance populaire au colonialisme français, c'est le projet inclus dans le nouveau programme quinquennal de musée régional des arts et d'archéologie auquel pas de moins de 490 millions de dinars ont été dégagés par les pouvoirs publics pour sa réalisation à la ville nouvelle de Oued Falli. Selon un responsable du secteur de la culture de la wilaya de Tizi Ouzou, cette infrastructure qui sera réalisée à la périphérie ouest du chef-lieu de wilaya comprendra une salle de conférences, des salles d'exposition et des ateliers. Un projet qui probablement changera le visage muséal de la wilaya de Tizi Ouzou, en attendant de voir ce qu'on en fera et ce qu'il sera appelé à raconter comme histoire. C'est à partir de ce moment-là que l'on saura si les pouvoirs publics ont décidé réellement de changer leur regard sur l'activité muséale et son importance.