Photo : S. Zoheir De notre correspondant à Annaba Mohamed Rahmani A Annaba, en l'absence d'une régulation réelle sur le terrain, les marchés des produits de large consommation «affranchis» de toute tutelle connaissent une flambée des prix sans précédent. En effet, la multiplication des mandataires et des intermédiaires a fait que certains produits pourtant de première nécessité ou considérés comme tels deviennent inaccessibles aux petites bourses obligées de jouer sur la quantité pour pouvoir en consommer. Dans les marchés des fruits et légumes, les prix qui jouent au yo-yo passent parfois du jour au lendemain du simple au double selon la disponibilité ou selon l'intermédiaire - fournisseur du marchand au détail. A titre d'exemple, le prix de la pomme de terre, aliment de base pour les familles, peut selon les marchés, que ce soit à El Hattab, Souk Ellil ou au marché couvert situé en plein centre-ville, passer de 30 à 50 DA le kilo, le piment vert peut aller jusqu'à 100 DA, la courgette dans la même fourchette ; quant aux haricots verts ou à écosser, ils caracolent en tête, défiant le billet de 200 DA. Les fruits qui, désormais, se consomment «à l'occasion» connaissent le même phénomène de fluctuations avec une tendance invariable à la hausse. Les bananes qui n'atteignaient pas, il n'y a pas si longtemps, les 120 DA le kilo sont passées en l'espace de quelques jours à 180 DA. Les agrumes dont c'est pourtant la saison n'ont pas connu de baisse malgré l'abondance, les prix étant maintenus par les intermédiaires qui font la loi parce qu'il y a entente entre eux. Ainsi, la mandarine, la clémentine ou la Thomson n'ont pas baissé sous le seuil de 100 DA le kg et se maintiennent entre 120 et 160 DA. Les consommateurs qui ne savent plus où donner de la tête devant cette envolée des prix n'ont d'autre choix que de se plier au diktat des marchands eux-mêmes tenus à la gorge par les intermédiaires-spéculateurs. «C'est une honte, nous confie un père de famille, un couffin aux trois quarts vide. Ces marchands sont de véritables sangsues, ils vous fourguent au prix fort leurs marchandises de mauvaise qualité et, si jamais vous réclamez, on vous renvoie en vous lançant que, si cela ne vous plaît pas, vous pouvez aller voir ailleurs. Ça ne peut plus continuer ainsi et un de ces jours, il y aura certainement une grève des consommateurs, ce n'est pas pour demain mais ça viendra, j'en suis sûr !» La plupart des marchés de fruits et légumes à Annaba sont incontrôlables parce que relevant de l'informel qui a, ces dernières années, connu une véritable explosion ayant touché tous les secteurs d'activité. On installe son petit étal au coin d'une rue, on commence à vendre sa marchandise, ça marche bien, puis vient s'établir un autre, puis un autre et ainsi de suite. Le marché se forme dans le désordre avec un tas de tôles, des ordures qui traînent, des légumes pourris, des fils électriques qui pendent, une hideur qui vient défigurer l'image d'une ville dite moderne. Les conditions d'hygiène, d'exposition des marchandises destinées à la consommation humaine ne sont nullement respectées et les contrôleurs des services de l'Etat «sautent» ces marchés pour aller s'occuper uniquement de ceux établis et inscrits au registre du commerce. Cette situation que nous avons évoquée au niveau de la Direction du commerce dans les services de la concurrence et des prix ou du côté du contrôle de la qualité et de la répression des fraudes ne pourrait changer qu'après l'entrée en vigueur de la nouvelle loi sur la concurrence et la pratique commerciale qui a été adoptée au mois de juillet dernier. «Selon les nouveaux textes de loi, nous dit-on, la gestion des marchés de gros va revenir à l'Etat qui va s'impliquer directement sans passer par le Conseil de la concurrence. Les marchés de gros confiés en gestion aux communes qui les cèdent par adjudication à des particuliers sont dans un état tel qu'ils ne peuvent pas être rigoureusement contrôlés. Nous sommes en train de mettre en place les structures et les infrastructures nécessaires, y compris les cadres chargés de la gestion de ces espaces pour nous permettre de maîtriser la situation. Des marchés de proximité seront créés de façon à absorber définitivement l'informel et, ainsi, maîtriser le réseau de distribution qui est une condition sine que non de la maîtrise des prix.» Actuellement, le contrôle de la vente dans les espaces publics squattés relève de la commune qui doit intervenir pour libérer ces espaces ; les services de sécurité sont en train de «nettoyer» les trottoirs et les chaussées occupés en attendant la mise en place des nouvelles dispositions. Pour ce qui est des contrôles effectués par les services de la DCP ou de la répression des fraudes, il a été enregistré durant le mois de novembre dernier 1 619 interventions; 179 procès-verbaux ont été dressés, dont 9 pour des viandes avariées et impropres à la consommation et 11 autres pour non-respect des règles d'hygiène. Quant à la pratique commerciale, 39 P-V ont été dressés pour défaut d'affichage, non-publicité des prix ou encore défaut d'étiquetage comme cela a été le cas pour les 7 000 tonnes de ciment saisies au port de Annaba récemment, quantité dont la valeur marchande est estimée à 46 855 292,95 DA. Pour ce qui est du dépôt des comptes sociaux des sociétés, 1 120 opérateurs ont été déclarés défaillants et 61 P-V ont été dressés.